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Des lieux de patrimoine et des maisons d’artistes à visiter. L’occasion de balades « découvertes culturelles et artistiques »
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Patrimoine

Le Baiser de Constantin Brancusi - Cimetière du Montparnasse

Entre 1907 et 1945, Brancusi a sculpté de nombreuses versions du Baiser ; cette œuvre qui se présente comme un bloc de pierre à peine dégrossi, dans lequel s’inscrivent deux bustes vus de profil et accolés l’un à l’autre dans une grande sensualité. Mais au cimetière Montparnasse, la version qui orne la tombe de Tatiana Rachewskaïa, une jeune russe qui s’est suicidée en 1910 à l’âge de 23 ans, par amour pense-t-on, est particulièrement unique. Pour honorer la mémoire de leur fille, ses parents l’ont achetée pour 200 francs à Brancusi. Jeune sculpteur roumain arrivé à Paris en 1904, il est encore peu connu et vient juste de participer pour la première fois au Salon des Indépendants. En quête d’une nouvelle réalité plastique, soucieux d’épurer les formes, il taille directement dans la matière, supprime les détails, ne retient que l’essentiel, privilégie les formes ovoïdes.

La rareté de la version au cimetière de Montparnasse tient au fait que c’est la seule qui représente le couple dans son entier. Elle est aussi de loin la plus grande de la série, avec ses 90 centimètres de hauteur. Mais surtout, la côte du sculpteur a explosé depuis quelques années. En 2005, L’Oiseau dans l’espace a été adjugé 27,5 millions de dollars chez Christie’s à New York. Puis en 2018, Jeune fille sophistiquée (Portrait de Nancy Cunard, 1932) s’est envolée à 71 millions de dollars, encore chez Christie’s à New York ! De quoi attiser les appétits d’éventuels héritiers et de marchands. De fait, depuis une quinzaine d’années une incroyable guerre financière oppose une famille russe à l’État français qui s’est empressé de classer Le Baiser « trésor national » pour l’empêcher de quitter le territoire français, puis en 2010 d’inscrire en totalité, la tombe de Tania Rachevskaïa, avec le groupe sculpté Le Baiser de Constantin Brancusi et son socle formant stèle (cad. AK 02, cf plan annexé à l’arrêté, concession n° 191P1910, section 22, n° 265 : inscription par arrêté du 21 mai 2010).

Abrité dans une caisse en bois posée par les héritiers et surveillé par des caméras 24h sur 24, Le Baiser attend son verdict. Las, l’affaire juridique est complexe et loin d’être terminée. Récemment encore, un arrêt du 11 décembre 2020 de la cour administrative d’appel de Paris a statué sur la légalité d’un arrêté du préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, inscrivant au titre des monuments historiques la tombe du cimetière du Montparnasse, dans sa totalité, au motif que celle-ci est ornée du célèbre groupe sculpté de Constantin Brancusi Le Baiser.
« Constatant que cette œuvre d’art n’avait pas été conçue dès l’origine pour agrémenter la sépulture en cause et ne peut être considérée comme étant incorporée à celle-ci à un degré tel qu’elle ne puisse en être dissociée sans qu’il soit porté atteinte à l’ensemble immobilier lui-même, la cour juge que le préfet ne pouvait, sans commettre d’erreur de qualification juridique, procéder à une telle inscription sur le fondement de l’article L. 621-25 du code du patrimoine. »

Brancusi quant à lui repose depuis 1957 à quelques dizaines de mètres de Tatiana Rachewskaïa, sous une simple dalle, sans sculpture.

Catherine Rigollet (février 2021)

Visuels : Brancusi, Le Baiser (1909), avant sa mise en caisse, cimetière Montparnasse. D.R. Brancusi dans son atelier. Photo Centre Pompidou. Atelier de Brancusi reconstitué par Renzo Piano. Photo Centre Pompidou.

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Cimetière du Montparnasse 75014
Tombe de Tania Rachevskaïa
concession n° 191P1910
section 22, n° 265

- Par testament, l’artiste a légué à l’État français l’ensemble de son atelier. Reconstruit à l’identique en 1997 sur la Piazza (devant le Centre Pompidou) par l’architecte Renzo Piano, l’Atelier Brancusi est riche de 137 sculptures et 87 socles originaux, 41 dessins, 2 peintures. Il conserve en outre plus de 1600 plaques photographiques de verre et tirages originaux. https://www.centrepompidou.fr/fr/collections/latelier-brancusi