Est-ce parce qu’elle est l’épouse du peintre Hans Hartung avec lequel elle vécut une relation passionnée et un peu tumultueuse qu’Anna-Eva Bergman (1909-1987) est restée relativement méconnue malgré de très nombreuses expositions ?
Le Musée d’Art Moderne de Paris organise du 31 mars au 16 juillet 2023 la première grande rétrospective de l’ensemble de l’œuvre plastique de cette peintre majeure de la peinture de l’après-guerre. Et l’on se réjouit de cet événement qui va mettre en lumière son langage pictural singulier, fondé sur un vocabulaire de formes simples inspiré par les paysages nordiques, et l’usage très spécifique d’un matériau devenu sa signature : la feuille de métal.
Anna-Eva Bergman (1909-1987) a beaucoup voyagé, mais toute sa vie, elle restera marquée par les paysages et les ciels de la Norvège où elle a passé son enfance et son adolescence. Jusqu’à envahir son œuvre, même lorsqu’elle vivra à Minorque dans les années 1930, puis à Antibes, de 1973 jusqu’à sa mort, dans cette lumière du Sud ou le soleil parvient à terrasser l’ombre.
Intéressée par ce fameux « nombre d’or », cette « divine proportion », elle est à la recherche d’un nombre restreint de formes simples pour représenter des paysages minimalistes mais d’une grande complexité. En osmose avec l’univers qui l’entoure, mais sans rupture avec les ambiances du Grand Nord et sans succomber à la couleur du Sud, Bergman peint la lumière, l’obscurité, les montagnes, la pluie, les vagues, le vent. Silencieuse, mentale, chargée de spiritualité, la peinture de Bergman se contemple. Pour autant, il faut bouger devant ses toiles, de la plus petite (quelques centimètres) aux plus grandes (2m x 3m) parce que ses peintures réalisées à l’acrylique sur des toiles qu’elle recouvre au préalable de feuille de métal sont vivantes, mouvantes, rayonnantes. Leur perception n’est jamais la même selon la lumière et notre propre position. « Je veux dessiner le mouvement –le mouvement lui-même et son rythme. Je veux créer la vie », écrit-elle.
La sienne, dédiée à la création, loin des modes, fut extraordinaire mais parcourue de souffrances et de bouleversements, de son enfance norvégienne sous le signe de la peur à sa fin tragique dans la dépression. Grâce à une masse considérable de documents, Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung-Bergman et professeur à l’École polytechnique raconte « les vies lumineuses » de cette femme artiste dont « la peinture est l’expression d’un commencement toujours recommencé (…), une sorte de genèse éternelle ». Une passionnante biographie, intimiste et sensible, à lire en introduction à la rétrospective du musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 2023, pour mieux comprendre enfin cette femme, « dans la complexité de son être et dans le drame de son existence ».

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