La musique dans les camps nazis. Une aide à la survie

La musique n’adoucit pas les mœurs ! Il suffit de faire quelques pas dans cette exposition pour que ce mensonge résonne jusqu’au plus profond de soi. Car la musique, projet nazi fédérateur d’une nation aryenne, devient contrainte ou intrusion dans les camps de concentration et d’extermination de la deuxième guerre mondiale. Clandestine, donc rare, elle a pu néanmoins devenir aide à la survie dans ces mêmes camps.

Le premier orchestre des camps, composé de Roms et de Sintis mis au ban depuis 1936, est créé à Buchenwald. À Auschwitz, les Polonais composent l’orchestre dont les juifs sont exclus jusqu’en 1944 (ils ne sont d’ailleurs pas autorisés à interpréter Mozart, Beethoven ou Wagner, portés aux nues par le régime nazi). La mortalité est élevée chez les musiciens, et des auditions deviennent nécessaires aux arrivées des convois pour assurer les remplacements. Car les orchestres sont sollicités pour l’appel du matin, l’appel du soir, les sorties et les rentrées du travail et les exécutions, et les conditions de vie des musiciens sont à peine meilleures. D’où viennent donc leurs instruments ? Certains détenus ont pu les garder avec eux, rares sont ceux qui ont pu s’en faire envoyer, avec des partitions, par leurs familles. Quelle que soit leur provenance, tous les instruments sont confisqués, répertoriés puis distribués aux musiciens. Des pianos sont saisis dans les villages voisins et quelques instruments sont même fabriqués dans les camps, comme cette contrebasse au son puissant fabriquée à Mathausen (Contrebasse avec archet, 1942-43, bois, corde et crins de cheval), malgré le manque d’outils et de vernis. Il y a émulation entre les commandants de camps, fiers de « leurs » orchestres qu’ils font jouer devant la presse ou devant les visiteurs officiels, allant même jusqu’à les affubler d’uniformes.

La musique n’est pas réservée aux seuls orchestres. Tous les prisonniers doivent entonner des hymnes allemands lors de leurs déplacements. Cette musique-là règle leurs pas, leur rythme et leur cohésion, quelle que soit leur nationalité. Trop souvent, ils doivent chanter sous les coups, ou sur le chemin des exécutions. Musique humiliante et sadique. Quand elle ne sert pas à couvrir les cris des victimes tout en stimulant les SS.

Pour illustrer cette histoire tragique, des témoignages (« trois musiciens juifs […] jouaient en permanence […] dans l’espoir de rallonger de quelques jours leur vie qui ne valait déjà plus un sou » témoignage d’un évadé de Treblinka), des dessins, des partitions, des photos prises par les SS, et des coins d’écoute de ces musiques. Une exposition passionnante qui remplit avec efficacité son douloureux devoir de mémoire.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 20 avril 2023 au 25 février 2024
Mémorial de la Shoah
17, rue Geoffroy-l’Asnier 75004 Paris
Ouvert tous les jours sauf le samedi,
De 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Entrée gratuite
www.memorialdelashoah.org


Visuels :
 Orchestre du camp, 1942-1943, camp de Janowska. Photographie SS © Mémorial de la Shoah.
 « Mützen ab ! ». Retour des kommandos à Buchenwald, accompagnés par l’orchestre représenté en uniforme. Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora. Anonyme, 1944.
 Orchestre composé de déportés, camp d’Auschwitz (voïvodie de Petite Pologne). Pologne, 1940-1945.