Lee Miller. Une vie sans filtre

Visuel livre

Mannequin, muse du surréalisme, photographe de mode, puis reporter, Lee Miller fut également la première correspondante de guerre américaine. Carolyn Burke révèle ici comment cette femme qui inspira Man Ray, Cocteau et Picasso a pu aussi photographier sans faillir les horreurs de Buchenwald et de Dachau.

Lee Miller. Une vie sans filtre. Plutôt « Quelle Vie » et même « Quelles Vies ! » a-t-on envie de dire après avoir refermé ce captivant récit. Originaire d’une petite ville américaine, Lee Miller (1907-1977) a grandi dans une famille aisée et progressiste, sous le regard aimant mais troublant de son père Théodore, passionné de photographie qui, très tôt, la fit poser nue devant son objectif, tout en l’initiant à la photographie. La suite de sa jeunesse est plus violente : victime d’un viol à l’âge de 7 ans, atteinte d’une blennorragie pour laquelle elle subira de très douloureux et longs traitements, témoin du suicide de son petit ami à l’adolescence, peu studieuse et déjà pourvu d’un esprit libre et rebelle, elle décide de partir pour Paris à 18 ans, s’intéresse au cinéma et au théâtre, puis s’envole étudier l’art à New York, tout en posant comme mannequin, notamment pour Edward Steichen, avec déjà une armée de soupirants à ses pieds. De retour à Paris, elle devient l’élève, la muse et l’amante de Man Ray, se met à la photographie avec son Kodak pliable, côtoie nombre d’artistes, poètes, peintres, créateurs : Breton, Foujita, Chanel ou Cocteau... et voyage. Toujours en quête d’ailleurs, elle installe un studio photo à New York. Mais du point de vue artistique, elle est dans une impasse, le surréalisme ne passe plus dans l’ambiance économique morose du début des années 30.

Elle s’envole à nouveau, cette fois pour le Caire rejoindre l’égyptien Aziz Eloui Bey, puis se lasse du pays et de l’homme et repart à Paris en 1937 où elle se lie avec le collectionneur et artiste anglais Roland Penrose. C’est une fois installée à Londres durant les années de guerre, qu’elle reprend avec passion la photographie, immortalisant les horreurs du Blitz avec des images souvent spectaculaires comme ce piano écrasé sous des ruines ou l’équipe de son journal (Brogue) travaillant dans des salles au milieu de débris de verre. Devenue reporter de guerre pour les États-Unis, elle découvre les camps de Büchenwald et Dachau en 1945. Un choc qui se traduira par des photographies, particulièrement crues.
De retour à Londres après un séjour dans sa famille aux États-Unis, elle finit par épouser Roland Penrose avec qui elle aura un fils, Antony, dont elle ne se sentira jamais proche. Elle a 40 ans, elle a perdu beaucoup de son intérêt pour la photo, sa vie s’organise désormais entre les voyages et visites d’amis tels Eluard, Picasso (qui fera six portraits d’elle), Max Ernst, Miro, Braque et Giacometti, une aide aux expositions que Penrose organise à Londres et sa nouvelle passion pour les créations culinaires (souvent subversives) qu’elle pratique le week-end dans leur maison de campagne de Farley Farm dans l’East Sussex. Mais la Lee Miller qui multipliait les conquêtes n’est plus que l’ombre de la top modèle de Vogue d’autrefois. Elle sombre de plus en plus dans l’alcoolisme et doit supporter une maîtresse de Penrose…Triste fin pour une femme libre et rebelle, passée du statut d’objet d’art à celui d’artiste.

Ce livre – illustré de photographies en noir & blanc – raconte le parcours exceptionnel de Lee Miller et restitue toute la verve et l’énergie de cette femme dont l’ampleur de l’œuvre photographique fut découvert peu après sa mort, quand son fils retrouva plus de soixante mille photos et négatifs que Lee avait laissés dans des malles et cartons abandonnés dans le grenier de Farley Farm. Comprenant qu’il avait grandi sans connaître vraiment la vie de sa mère, il utilisa toutes ces archives pour écrire la première biographie sur Lee Miller : « The Lives of Lee Miller ».

Carolyn Burke
Nouveau Monde Editions
Publié le 14 juin 2023
512 pages
23,90€


 Tournage en cours d’un biopic (sortie automne 2023) avec Kate Winslet dans le rôle de Lee Miller et Alexander Skarsgard.