Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur.

Visuel livre

Au moment où Claude Monet (1840-1926), de retour au Havre, peint Impression, soleil levant qui va faire scandale à Paris, son frère aîné Léon (1836-1917), diplômé en chimie co-fonde la Société industrielle de Rouen et s’associe à la puissante société suisse Geigy & C°, spécialisée dans les couleurs synthétiques à l’aniline. Léon Monet mène une vie confortable, ce qui lui permet d’acheter plusieurs toiles à son frère à l’époque où celui-ci travaille au Havre, à Honfleur et à Étretat, et peine à trouver des clients pour ses œuvres. Il acquiert pour commencer Fleurs de printemps (1864) et Adolphe Monet lisant dans un jardin (1866). Reconnu pour son « intelligence vive et prompte » et son caractère « cordial et franc », Léon Monet devient une personnalité respectée, très impliquée au sein des nombreuses associations culturelles que compte la ville de Rouen. Il incite Monet et ses amis impressionnistes à participer en 1872 à la 23e exposition municipale, où il expose lui-même quatre œuvres de sa collection. Le 24 mars 1875, Léon est présent à la première grande vente impressionniste qui s’ouvre à l’hôtel Drouot, à Paris. Il acquiert aux moins cinq peintures, se positionnant juste après le marchand Paul Durand-Ruel qui n’en achète pas moins de 18.

Toutefois, en 1882, une première brouille éclate entre Léon et Claude à cause d’une dette que Claude Monet tarde à régler. Mais la fâcherie est de courte durée et Léon décide de lui apporter un soutien actif ainsi qu’à ses amis impressionnistes. Ce sont les prémices de la constitution d’une remarquable collection d’art moderne. Léon achètera plus d’une vingtaine de toiles de son frère et ses deux plus anciens carnets de dessins datés de 185. Ainsi que des toiles et dessins de Sisley, Pissarro et Renoir (dont En été, la Bohémienne (1868) et Paris l’institut au quai Malaquais (1875), et des estampes japonaises.

Léon Monet a surtout un faible pour les paysages évoquant son enfance passée au Havre et à Sainte-Adresse ou ceux de son épanouissement professionnel et familial entre Rouen et les Petites Dalles sur la côte normande. Entre 1879 et 1885, Claude Monet rend visite, à plusieurs reprises, à son frère quand il réside en villégiature aux Petites-Dalles. Une petite station balnéaire du pays de Caux qui inspira d’ailleurs à l’artiste plusieurs tableaux. Le 16 juillet 1892 et alors que Claude Monet s’unit officiellement à Alice, Léon est choisi comme témoin. Mais les relations entre les deux frères se ternissent lorsque Léon, veuf depuis 1895, choisit d’épouser en 1897 sa cuisinière de près de trente ans sa cadette. La mort d’Adrienne, fille de Léon en 1911, puis celle de Jean, fils de Claude en 1914, toutes deux causées par les substances chimiques respirées dans l’usine de Léon où ils travaillaient scellent la rupture définitive entre les deux frères. Léon et Claude ne se recroiseront jamais et Claude n’assistera pas à l’enterrement de Léon.
Cette séparation ne saurait effacer le lien profond et la complicité créative doublée d’une passion commune pour la couleur qui a lié Claude et Léon, indéfectible soutien de son artiste de frère à ses débuts et qui l’accompagna sur le chemin de la reconnaissance officielle.

Ce catalogue illustré accompagne l’exposition présentée au musée du Luxembourg, du 15 mars au 16 juillet 2023. Elle réunit un ensemble d’œuvres de Claude Monet (Vue de Sainte-Adresse, 1864 ; La Plage de Sainte-Adresse, 1864 ; Portrait de Léon Monet, 1874 ; Étretat, 1884, La Cathédrale de Rouen. Le portail et la tour Saint-Romain, plein soleil, 1894…) et de ses amis impressionnistes : Camille Pissarro (Environ de Rouen,1883...) ou encore Alfred Sisley (Route de Louveciennes, effet de neige, 1874...), mais aussi celles moins connues des peintres de l’École de Rouen, tels Georges Bradberry, Marcel Delaunay, Joseph Delattre, Charles Frechon ou Narcisse Guilbert, qu’il a eu à cœur de défendre. L’exposition présente aussi des recettes de couleur, des échantillons de tissus et des livres de comptes, évoquant le Rouen industriel dans lequel Léon Monet évolua.

Sous la direction de Géraldine Lefebvre
Editions de la RMN- Grand Palais, 2023
Parution le 15 mars 2023
18 x 26,1 cm
256 pages, 180 ill.
39 €