Chaumont-sur-Loire. Saison d’art 2024

Entre découverte d’une quinzaine de nouvelles créations dans le parc et dans le château, ou retrouvailles avec des œuvres désormais pérennes, comme la draperie de capsules d’El Anatsui, la sculpture aux milliers de mini-amphores de Grégoire Scalabre ou le Nid des Murmures de Stéphane Guiran, la saison d’art 2024 de Chaumont-sur-Loire continue d’offrir un univers de contes et parfois de folies.

La directrice du domaine, Chantal Colleu-Dumont, faisant une allusion aux jardins baroques de Bomarzo en Italie, on ne s’étonne pas de trouver La Grotte Chaumont de Miquel Barceló, nouvellement installée pour rester. Elle n’est pas sans rappeler par son poids (près de 8 tonnes) et sa béance la Porte de l’Ogre du jardin italien. Non loin, les figures de corde de Prune Nourry, que l’on voit, selon son imagination, anthropomorphes ou dendroïdes, symbolisent le mythe Ovidien d’Atys transformé en arbre pour n’avoir pas succombé à l’amour de Cybèle.

Sur le tronc d’un cèdre, Armille, une ceinture de métaux divers, mêle intimement art et science. Olga Kisseleva, avec l’aide de spécialistes du langage des arbres, a instauré un dialogue entre cet arbre et un autre arbre situé à des milliers de kilomètres. Esprit cartésien, on accepte que les arbres communiquent avec ceux qui leur sont proches, mais peuvent-ils vraiment échanger, même avec l’aide d’une technologie avancée, sur le concept de résilience, comme nous le dit l’artiste ? On reste dubitatif.
Karine Bonneval travaille avec des chimistes sur le pollen, porteur de vie. Son installation, au titre poétique de Portées par le vent, est la deuxième à convoquer la science dans sa réalisation, invitant à comprendre la beauté des pollens. Sur le pédiluve pour chevaux, le couple d’architectes Anne et Patrick Poirier ont installé trois objets – sont-ce des bateaux ou des bâtiments – en bronze doré, inspirés par les pyramides d’Amérique Centrale et temples birmans. Dans l’Asinerie, les deux artistes se livrent à une quasi-méditation sur la nature, à partir de photos de fleurs tirées sur porcelaine.

Gloria Friedmann développe une conscience de l’évolution de notre planète dans son œuvre et suggère « si nous acceptons d’être un animal comme les autres, on voit les choses autrement... » Près des écuries, elle a installé Le Locataire, une tortue dont la carapace soutient un globe sur lequel est assis un homme. L’animal et l’homme regardent dans des directions différentes, tous deux intimement liés au monde, l’un y survivant, l’autre le détruisant. À la lenteur de l’une, on imagine qu’il faut opposer la rapidité de l’autre dans son œuvre de destruction.

Damien Cabanes a étendu ses lais de papier blanc sur l’herbe ou les allées du domaine, et y fait danser les fleurs et les plantes qui l’entourent. Un moment de légèreté et de luminosité se déroulant ensuite sur les murs blancs de la galerie du fenil. (La galerie Eric Dupont à Paris consacre ses cimaises à des peintures florales de l’artiste jusqu’au 24 avril 2024).

Dans les galeries hautes du château, Vincent Bioulès, jadis actif au sein du groupe Supports/Surfaces, ne se lasse pas de peindre la nature : jardin vu depuis une fenêtre à la Matisse, paysages d’arbres sur lesquels le peintre zoome, laissant les seuls troncs envahir la toile ; ou bien, élargissant son regard, il capte les horizons et les ciels des environs du Pic Saint-Loup (appellation, par ailleurs, d’un fort bon vin) dans l’Hérault. On devine dans ces tableaux, qui frisent parfois l’abstraction, le même attachement que celui de Cézanne pour la Sainte-Baume. Le Pic, toujours le même et pourtant toujours différent. Une peinture haute en couleurs, joyeuse, qui donne une furieuse envie de quitter nos villes...

Mais l’œuvre la plus incitative est celle de Kôichi Kurita : l’artiste japonais collecte des terres qu’il assemble en une vaste bibliothèque de terres du monde pour transmettre « la beauté sans fard et le prix inestimable de la terre qui se trouve là, sous nos pas ». Plusieurs dizaines de petits flacons emplis de terre de Loire aux nuances différentes sont installées en cercle dans la Tour de Diane. Œuvre méditative, porteuse de beauté, incitation à nous responsabiliser pour la préservation de notre planète.

Le Festival international des Jardins ouvrant du 24 avril au 3 novembre, vous aurez une double raison de venir profiter de la beauté du domaine et de la créativité des artistes sélectionnés cette année.

Elisabeth Hopkins

Archives expo en France

Infos pratiques

Du 30 mars au 27 octobre 2024
Domaine de Chaumont-sur-Loire
41150 Chaumont-sur-Loire
Tous les jours, 10h-20h (jusqu’au 31 août)
Jusqu’à 19h30 en septembre
Jusqu’à 19jh en octobre
Haute saison : 20 € / jour
www.domaine-chaumont.fr


Visuels :

 Miquel Barcelo, La Grotte Chaumont, installation. Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander.

 Anne et Patrick Poirier, D’après nature. Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander.

 Gloria Friedmann, Le locataire. Installation, Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander.

 Karine Bonneval, Portées par le vent, larmes de pollen, installation, Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander.

 Damien Cabanes, Installation de jardins merveilleux, Galerie basse du Fenil et Cour Agnès Varda. Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander.

 Denis Monfleur, L’Homme sauvage. Installation, Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander. Lire aussi : https://lagoradesarts.fr/Rencontre-avec-Denis-Monfleur-Sculpteur.html

 Pascal Oudet, Laissez entrer le soleil. Œuvre réalisée à partir d’un chêne de 70 ans provenant d’une forêt de Côte d’Or dont une partie du tronc (60 cm de diamètre pour 100 kg) a été patiemment travaillée, jusqu’à obtenir cette sculpture d’une stupéfiante légèreté (300 g à peine). Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024. Photo Eric Sander. Lire aussi : https://lagoradesarts.fr/Rencontre-avec-Pascal-Oudet-sculpteur.html),

 Kôichi Kurita, Terres de Loire, Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2024 (Tour Diane, château). Photo Eric Sander. Lire aussi : https://lagoradesarts.fr/Koichi-Kurita-Mille-terres-mille-vies.html