David Hockney, le plus Normand des Anglais

“Si l’iPad avait existé, Claude Monet l’aurait utilisé.” Dieu merci, Apple n’existait pas encore, et Monet nous a laissé le grand œuvre que l’on sait. Mais on se félicite que David Hockney (auteur de la citation ci-dessus) emploie depuis des décennies l’outil numérique pour créer des œuvres basées sur cette technique picturale inédite. On peut en effet les voir sur les cimaises du Musée des Beaux-Arts rouennais, l’un des 150 projets normands qui célèbreront les 150 ans de l’Impressionnisme et l’esprit d’invention qui l’animait. On se souvient que l’Impressionnisme débuta le 15 avril 1874, en marge du Salon officiel, à la galerie du photographe Nadar avec 165 toiles par ceux que nous considérons comme des peintres de génie. Il ne se vendit que quelques œuvres. (Voir l’exposition immersive sur ce moment artistique au Musée d’Orsay jusqu’au 11 août 2024).

Le peintre figuratif britannique (né en 1938) a choisi de vivre en pays d’Auge depuis 2019 et, grand admirateur de Monet, a donc toute sa place dans cette célébration. L’exposition s’ouvre sur un autoportrait peint d’après son propre reflet dans un miroir (il est droitier et ne tient donc pas son pinceau dans la main gauche) ; autoportrait qui semble vouloir nous présenter les membres de l’entourage du peintre – coiffeur, cuisinière, médecin, amis - esquissés avec précision (pardon pour l’oxymore) sur un fond uniformément blanc, une précision que confirment quelques repentirs. Une manière légère, sur laquelle on sent que le peintre ne s’attarde pas, et qu’il préfère, stimulé par la nature qui l’entoure et les effets de lumière du maître de Giverny, capter, sur toile et sur iPad, les reflets des nuages sur un étang (Giverny by DH, 2023), les auréoles argentées que dépose la lune sur les buissons (10th September, 2020), les collines qui émergent lentement de la brume (17th April, The Entrance, 2023). Le clou de l’exposition est la “Moon Room”, salle aux murs bleu nuit. Treize dessins à l’iPad imprimés sur papier et deux toiles, y mettent en scène la lune, baignant la nature de sa lumière sélénite. L’outil numérique donne là toute latitude à l’artiste pour ajouter, supprimer, estomper ou rehausser les effets d’ombre et de lumière, pour un résultat somme toute assez captivant.

Pour le visiteur un peu curieux, deux peintures à l’iPad, animées, sont diffusées sur deux écrans. On suit, touche par touche, la création d’un autoportrait ou d’une scène de nature. Ce ne sont pas des documentaires mais des œuvres vidéo à part entière qui pourront un jour se retrouver sur les murs d’un collectionneur. David Hockney a beaucoup été exposé, en Angleterre, comme en France notamment avec une rétrospective au Centre Pompidou en 2017., avec des œuvres monumentales, souvent, aux couleurs acides. Celles que l’on voit ici sont de format modeste, aux couleurs douces et gaies. Une pause plaisante si vous passez par là. D’autant plus que l’entrée de l’exposition est gratuite.
Un bémol : Pourquoi “normandism” sans e ??? La nationalité du peintre prévaudrait-elle sur l’orthographe française de ce “mot-valise” (terminologie de la commissaire) ?

Elisabeth Hopkins

Archives expo en France

Infos pratiques

Du 22 mars au 22 septembre 2024
Musée des Beaux-Arts
Esplanade Marcel-Duchamp 76000 Rouen
Tous les jours, sauf mardi, 10h à 18h
Entrée gratuite
www.mbarouen.fr


Visuels :

 David Hockney, Wind on the Pond, 2023. Acrylic on canvas, 91 x 122 cm
© David Hockney. Photo : Jonathan Wilkinson.
« David Hockney – Normandism ».

 David Hockney, Giverny by DH, 2023. Acrylic on canvas, 91 x 122 cm
© David Hockney. Photo : Jonathan Wilkinson.
« David Hockney – Normandism ».

 David Hockney painting, Normandy, June 2023 © David Hockney
Photo : JP Gonçalves de Lima.
« David Hockney – Normandism ».

 David Hockney, 26th November 2020, No. 2. IPad Painting © David Hockney.
« David Hockney – Normandism ».