À la Renaissance, de riches mécènes issus des familles royales ou de la haute aristocratie ont eu le bon goût -et les moyens- de commander aux artistes les plus talentueux de l’époque, en Angleterre comme en Europe continentale, des objets d’art d’un grand raffinement et d’une créativité stimulée grâce aux grandes découvertes et au développement du commerce qui leur ont donné accès à des matériaux rares et précieux. Ce goût de la Renaissance a traversé les siècles. De riches amateurs d’art ont eu eux aussi le bon goût -et les moyens- de collectionner ces œuvres, des musées d’en acquérir. La magnificence et la qualité des œuvres produites à cette époque de retour à la culture classique émerveillent toujours au XXIe siècle.
Après le succès en 2023 de la première exposition sur les trésors de l’art médiéval, en collaboration avec le Victoria and Albert Museum de Londres (V&A), La Collection Al Thani renouvelle l’expérience en 2024 pour présenter, dans l’espace muséal de l’Hôtel de la Marine (Centre des monuments nationaux), 130 chefs-d’œuvre, du XVe siècle à l’aube du XVIIe, issus des prestigieuses collections des deux institutions.
Se côtoient des peintures et sculptures de l’Antico, Lucas Cranach le Jeune, François Clouet, Vittore Crivelli, Donatello, Nicholas Hilliard, Hans Holbein le Jeune, et Léonard de Vinci, et des objets d’art exceptionnels de virtuosité (bijoux, pièces d’orfèvrerie, verres, textiles, livres, manuscrits, objets exotiques...).
« Dans l’exposition, les deux collections se complètent, donnant un aperçu de l’art européen à la Renaissance, mais aussi du goût des collectionneurs sans lesquels nombre de ces chefs d’œuvre n’auraient pas résisté à l’épreuve du temps », souligne Emma Edwards, commissaire de l’exposition.
DES ŒUVRES D’EXCEPTION
Autant de chefs-d’œuvre réunis force l’admiration du visiteur. Sacrifions l’objectivité pour en décrire une dizaine qui nous a particulièrement séduit.
– Une statuette en bronze partiellement doré de L’Antico (Pier Jacopo Alari Bonacolsi, dit) représentant le héros grec Méléagre armé d’une lance poursuivant le sanglier de Calydon envoyé par Artémis, déesse de la chasse, pour ravager la patrie de Méléagre (Mantoue, vers 1484-1490).
– Une plaque en émail peint sur cuivre illustrant des épisodes de l’Enéide de Virgile (Limoges, vers 1525-1530).
– Un automate constitué d’un personnage en cuivre chevauchant une carapace de tortue (Allemagne, 1600-1650).
– Une curieuse et érotique coupe en faïence à glaçure plombifère, décorée d’une nymphe immergée dans un bassin qui révèle sa nudité au fur et à mesure que le liquide se vide (Fontainebleau ou Avon, vers 1600).
– Un somptueux pendentif en forme de tête et torse humain en or, perle baroque, rubis, diamants, émeraude, émail et verre (Inde, 1585-1600).
– Une écritoire portative en noyer, incrustée d’ivoire gravé, de corne et d’ébène (Allemagne, vers 1600).
– Un délicat portrait de dame par Lucas Cranach le Jeune (Wittenber, vers 1530-1540), d’une prouesse technique tout aussi remarquable que le portrait de Marguerite de Habsbourg par Juan Pantoja de la Cruz (Espagne, vers 1600-1608).
– Un petit seau en Lapis lazulli, 12 x 8 cm (Florence ou Milan, vers 1600) témoignant de la dextérité des artistes à tailler dans des pierres dures pour confectionner des récipients.
– Un coffret en ivoire sculpté avec serrure sertie de saphirs (Ceylan, vers 1557). Un exemple de « merveilles » que marchands et voyageurs, depuis le Moyen-Age, rapportaient aux princes de l’Europe occidentale, au même titre que des coquilles de nautile du Pacifique utilisées ensuite pour confectionner des pièces d’orfèvrerie (coupe, salière, cuillère, nef de centre de table…)
Les amateurs de beaux-arts ne manqueront pas cette exposition qui donne l’opportunité de voir des œuvres de la Renaissance d’une qualité exceptionnelle, dont celles du V&A rarement présentées à Paris.
Catherine Rigollet