Il y a dix ans, l’UNESCO classait au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité « le repas gastronomique des Français ». La Manufacture de Sèvres, vieille dame qui fête ses 280 ans sans avoir pris une rides grâce à sa capacité à créer avec les artistes contemporains, retrace l’histoire passionnante du repas gastronomique des Français, de l’Antiquité à nos jours, depuis les recettes d’Apicius et les foies d’oies nourries de figues des Gaulois, jusqu’au légendaire repas gastronomique du XXe siècle.
Elle évoque la préparation des mets et leur consommation, les arts de la table et celui de la conversation. Elle convie le visiteur à un tour de tables mettant en scène près de 1 000 œuvres, provenant en majorité des riches collections du Musée national de céramique de Sèvres et du Musée national Adrien Dubouché de Limoges.
Autour de deux splendides tables dressées évoquant l’une un souper fin du XVIIIe siècle et l’autre l’Art Nouveau, on se régale de pièces raffinées, amusantes ou surprenantes. Une très réaliste terrine en forme de dindon (XVIIIe siècle). Une assiette en porcelaine tendre du Service « aux camées » de Catherine II de Russie. Une amusante théière en forme d’aubergine (1981) et cette autre au décor en trompe-l’œil faux bois du céramiste californien Adrian Saxe (1985). Une assiette au graphisme minimaliste (une ligne blanche traversant un océan de bleu de Sèvres) dessiné pour le service de table Diane pour la Présidence de la République française par le sculpteur Étienne Hajdu (1981), sans doute l’artiste invité à Sèvres le plus prolifique du 20e siècle. Entre 1966 et 1974, il y peint de nombreux décors, dont celui du fameux service Diane et crée six vases aux décors gravés ou peints. Certaines de ses œuvres étant conservées et présentées au Musée de Sèvres.
On ne manquera pas cette rare peinture de « Femmes à table en l’absence de leurs maris » (XVIIe siècle) ; une huile sur bois d’après une gravure d’Abraham Bosse qui décrit un dîner organisé dans la chambre même de la maîtresse de maison. En effet, il n’existe pas encore, dans ces premières années du XVIIe siècle, de pièce exclusivement réservée aux repas, la chambre pouvant donc être, tour à tour, lieu de réception ou d’intimité. Sur la table, on distingue quelques tourtes fumantes et la paire de pattes d’un petit volatile. Assis sur une chaise basse, à côté de la dizaine de femmes, deux enfants grignotent dans la même assiette. Les invitées sont décontractées et les verres se lèvent.
Grâce aux prêts de plusieurs musées tels le Musée des Arts décoratifs et le Musée national de la Renaissance à Écouen, et de grandes maisons françaises comme Christofle ou Saint-Louis, complétés des exceptionnelles créations de la Manufacture de Sèvres, voilà un menu aussi beau que gourmand à déguster des yeux.
Catherine Rigollet
Visuels : Les Femmes à table en l’absence de leurs maris, XVII siècle (après 1636), huile sur bois, d’après Abraham Bosse, H : 28 cm, l : 36 cm, Musée national de la Renaissance, Écouen. Photo © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d’Écouen) / Mathieu Rabeau.
Terrine en forme de dindon, 1748-1754, faïence stannifère. Manufacture de Paul Hannong, Strasbourg. H : 51,5 cm, L : 46 cm, l : 38,5 cm, Sèvres - Manufacture et Musée nationaux. Photo © RMN-Grand Palais (Sèvres - Manufacture et musée nationaux) / Tony Querrec.
Assiette plate, service Diane, 1972, porcelaine dure, Manufacture nationale de Sèvres, Étienne Hajdu, Ø : 22,7 cm. Sèvres - Manufacture et Musée nationaux, Photo © RMN-Grand Palais (Sèvres - Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola.
Théière aubergine, 1981, grès et laiton, Manufacture nationale de Sèvres, Adrian Saxe, H : 24,8 cm, L : 20,8 cm, P : 7,3 cm. Sèvres - Manufacture et Musée nationaux. Photo © RMN-Grand Palais (Sèvres - Manufacture et musée nationaux) / Stéphane Maréchalle.
