L'agora des arts - Des expositions à paris, en france et à l'étranger

« Livres d’art. Sélection de nouveautés ». Par Catherine Rigollet
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Les livres

Max Ernst. Mondes magiques, mondes libérés

Artiste érudit et prodigieux expérimentateur, Max Ernst (né en Allemagne en 1891 – décédé à Paris en 1976) a traversé le siècle des avant-gardes avec une insatiable soif de création et n’aura eu de cesse de se réinventer tout au long de sa carrière. Si l’univers de l’artiste déconcerte et étonne. Si la portée de son œuvre reste souvent méconnue du grand public, l’extravagance et la polysémie de sa production sont impressionnantes. Forêts de pierres, animaux chimères, masques incarnés ou oiseaux anthropomorphes, la beauté énigmatique et parfois même ironique de ses œuvres constituées de nombreux collages et frottages nous plonge dans l’extravagance de ses mondes, à la fois magiques et habités par la tradition romantique. Associé au mouvement surréalisme d’André Breton à son arrivée à Paris, Ernst, que Georges Bataille qualifiait de « philosophe qui joue », laisse derrière lui une œuvre très personnelle et complexe, nourrie de philosophie, de psychanalyse, de science, d’alchimie, de l’histoire de l’art, de littérature et de poésie.

Ce catalogue de l’exposition présentée à l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence (du 4 mai au 8 octobre 2023) se concentre sur les grands thèmes des mondes qu’il a créés et la récurrence des thématiques qui traversent son œuvre, notamment celle liée aux quatre éléments – l’eau, l’air, la terre et le feu. Illustré de quelque 130 œuvres provenant de collections publiques et privées européennes (de ses premiers dessins des années 1900-1910 jusqu’aux dernières œuvres des années 1970) cet ouvrage met en évidence le lien étroit que l’artiste a toujours entretenu avec la nature, le jeu, la magie et la liberté.

Par Martina Mazzotta et
Le Dr. Jürgen Pech
Ed. Hazan
03/05/2023
240 x 280 mm
192 pages
29,95€


Anna-Eva Bergman. Vies lumineuses

Est-ce parce qu’elle est l’épouse du peintre Hans Hartung avec lequel elle vécut une relation passionnée et un peu tumultueuse qu’Anna-Eva Bergman (1909-1987) est restée relativement méconnue malgré de très nombreuses expositions ?
Le Musée d’Art Moderne de Paris organise du 31 mars au 16 juillet 2023 la première grande rétrospective de l’ensemble de l’œuvre plastique de cette peintre majeure de la peinture de l’après-guerre. Et l’on se réjouit de cet événement qui va mettre en lumière son langage pictural singulier, fondé sur un vocabulaire de formes simples inspiré par les paysages nordiques, et l’usage très spécifique d’un matériau devenu sa signature : la feuille de métal.

Anna-Eva Bergman (1909-1987) a beaucoup voyagé, mais toute sa vie, elle restera marquée par les paysages et les ciels de la Norvège où elle a passé son enfance et son adolescence. Jusqu’à envahir son œuvre, même lorsqu’elle vivra à Minorque dans les années 1930, puis à Antibes, de 1973 jusqu’à sa mort, dans cette lumière du Sud ou le soleil parvient à terrasser l’ombre.
Intéressée par ce fameux « nombre d’or », cette « divine proportion », elle est à la recherche d’un nombre restreint de formes simples pour représenter des paysages minimalistes mais d’une grande complexité. En osmose avec l’univers qui l’entoure, mais sans rupture avec les ambiances du Grand Nord et sans succomber à la couleur du Sud, Bergman peint la lumière, l’obscurité, les montagnes, la pluie, les vagues, le vent. Silencieuse, mentale, chargée de spiritualité, la peinture de Bergman se contemple. Pour autant, il faut bouger devant ses toiles, de la plus petite (quelques centimètres) aux plus grandes (2m x 3m) parce que ses peintures réalisées à l’acrylique sur des toiles qu’elle recouvre au préalable de feuille de métal sont vivantes, mouvantes, rayonnantes. Leur perception n’est jamais la même selon la lumière et notre propre position. « Je veux dessiner le mouvement –le mouvement lui-même et son rythme. Je veux créer la vie », écrit-elle.

La sienne, dédiée à la création, loin des modes, fut extraordinaire mais parcourue de souffrances et de bouleversements, de son enfance norvégienne sous le signe de la peur à sa fin tragique dans la dépression. Grâce à une masse considérable de documents, Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung-Bergman et professeur à l’École polytechnique raconte « les vies lumineuses » de cette femme artiste dont « la peinture est l’expression d’un commencement toujours recommencé (…), une sorte de genèse éternelle ». Une passionnante biographie, intimiste et sensible, à lire en introduction à la rétrospective du musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 2023, pour mieux comprendre enfin cette femme, « dans la complexité de son être et dans le drame de son existence ».

- À lire aussi : https://lagoradesarts.fr/-Anna-Eva-Bergman-Voyage-vers-l-interieur-.html

Thomas Schlesser
Ed. Gallimard
Novembre 2022
384 pages. 53 ill.
29€


Les Cercles de La Baronne

On la connaît comme peintre sous le nom de François Angiboult, comme poète sous celui de Léonard Pieux et comme romancière en tant que Roch Grey ! Mais Hélène Oettingen, extravagante baronne arrivée à Paris en 1903 fut aussi et surtout le mécène de toute la bohème parisienne des années 1910. Née Miaczinska à Stepanivka dans l’Empire Russe (aujourd’hui en Ukraine), entre 1875 et 1880 (selon les biographies), sa vie d’avant Paris est mal connue. On sait qu’elle doit sa fortune de son père, le comte Miaczinski et son titre à Otto von Oettingen, avec qui elle ne resta mariée qu’une année…Elle quitte la Russie en 1899, voyage en Italie avant de se fixer à Paris en compagnie de son cousin le comte Sergueï Nikolaïevitch Yastrebzov (plus connu sous le nom d’artiste Serge Férat). Elle écrit, peint dans un style proche du cubo-futurisme italien avec un certain talent, et surtout mène une vie d’étrangère aisée en compagnie de son amant, le peintre et écrivain italien Ardengo Soffici qui lui fera connaître Max Jacob et Guillaume Apollinaire.

Son salon du 229 boulevard Raspail devient vite la crème des avant-gardes à partir de 1913. La rédaction des Soirées de Paris, revue d’avant-garde créée par Guillaume Apollinaire et sauvée de la faillite grâce aux fortunes personnelles d’Hélène et de son cousin, y installe son siège. Apollinaire y transporte ses fameux « mercredis », attirant les artistes tels que Pablo Picasso, Robert Delaunay, Louis Marcoussis, Fernand Léger, Alexander Archipenko, Serge Charchoune, Natalia Gontcharova, Mikhaïl Larionov ou Francis Picabia. En 1920, plusieurs d’entre eux participeront au deuxième salon de la Section d’Or, groupe créé en 1912 dans l’objectif de diversifier le vocabulaire cubiste, monopolisé à l’époque par les seuls noms de Braque et de Picasso soutenus par le jeune marchand Daniel-Henri Kahnweiler.

Flamboyante, extravagante, russe et énigmatique, Hélène est au centre des attentions. Léopold Survage, son nouvel amant, peint son portrait en 1917 (Centre Pompidou). Le critique et marchand d’art Henri-Pierre Roché la décrit comme une femme « si Russe, si sensuelle, si directe, si énervante, indécente, pas jeune, libertine dans ses propos, coquette, provocante ». On pourrait surtout ajouter qu’elle est visionnaire, achetant très tôt des Picasso et des Braque, et tous les tableaux restant dans l’atelier du Douanier Rousseau à sa mort. Après la guerre, la Baronne soutient le projet de pièce de Théâtre d’Apollinaire, accueillant dans son salon les répétitions de sa pièce surréaliste, Les Mamelles de Tirésias. Elle doit toutefois réduire son train de vie à partir de 1917, après confiscation de ses biens en Russie, vendant ses Douanier Rousseau pour subvenir à ses besoins, jusqu’à sa mort d’une leucémie en 1950.

À travers dessins, toiles, sculptures et photographies d’archives, l’ouvrage « Les Cercles de la Baronne » raconte l’étonnante saga d’Hélène d’Oettingen et ses liens avec les avant-gardes de l’époque, notamment avec les cubistes de la Section d’Or, les futuristes italiens, certains représentants du mouvement dada et les futurs surréalistes. Abondamment illustré, il fut publié à l’occasion de l’exposition éponyme organisée fin 2022 par les galeries Le Minotaure et Alain Le Gaillard et qui présentait 90 œuvres réparties dans les deux galeries. Dont une dizaine d’œuvres de la Baronne (sous son pseudo François Angiboult), mais aussi des Serge Férat, Léopold Survage, Fernand Léger, Frantisek Kupka, Alexander Archipeko, Robert Delaunay, Natalia Gontcharova, Mikhaïl Larionov, Marie Vassilieff…Un livre d’art autant qu’une passionnante biographie.

Edition Galerie Le Minotaure, Paris
Diffusion In Fine Editions d’art
Textes de Maria Tyl, historienne de l’art et critique d’art.
168 pages – 120 ill.
40€


L’Art des Etats-Unis, 1750-2000

Ouvrage d’ampleur, L’Art des États-Unis, 1750-2000 raconte trois siècles d’art américain, à l’initiative de la Terra Foundation for American Art. Ouvrant sur une brève introduction à l’histoire des premières colonisations européennes, il est structuré chronologiquement en dix chapitres, enrichi d’un large éventail d’écrits d’artistes, de critiques, de mécènes, de figures littéraires abordant plusieurs thématiques : l’expression de l’identité de la nation, la représentation des communautés historiquement marginalisées, la culture populaire et l’imagerie vernaculaire, l’histoire des institutions, la démocratisation de l’art, l’apparition des premières expositions, galeries et critiques d’art, etc.

Chaque chapitre est illustré d’œuvres emblématiques du thème, accompagnées de leur notice et de biographies détaillées des artistes. De la première peinture, Le Traité de Penn avec les Indiens (1771-1772) de Benjamin West, un artiste natif de Pennsylvanie qui connut paradoxalement le succès en débarquant en Angleterre, jusqu’à la dernière illustration, Gone (1994) de Kara Walker, une installation en papier découpé critiquant les stéréotypes de race et de genre au travers d’une romance historique durant la guerre de Sécession et parodiant le roman à succès de Margaret Mitchell (Gone with the Wind, 1936), le livre en présente une centaine d’autres (une dizaine par chapitre, natifs des États-Unis ou immigrés).

Avec parmi les artistes sélectionnés : John Trumbull et ses commémorations de la Révolution américaine, John James Audubon et ses illustrations des oiseaux d’Amérique, Thomas Cole et ses vues des paysages américains, Frederick Douglass peintre de la cause de l’abolition de l’esclavage, Eastman Johnson grand peintre de genre au XIXe siècle, James McNeill Whistler à l’avant-garde du renouveau de l’eau-forte, Winslow Homer captant comme nul autre la puissance de la nature, Edward Steichen et ses photographies affirmant la beauté de la ville moderne, Cecilia Beaux portraitiste comparable à John Singer Sargent, Alfred Stieglitz chantre du pictorialisme, Georgia O’Keeffe conquérante du modernisme américain, Grant Wood maître de la vie rurale du Midwest américain, Edward Hopper et ses scènes de solitude urbaine, Dorothea Lange photographe des invisibles et des déclassés, Jackson Pollock inventeur du dripping, mais encore Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Donal Judd, Cindy Sherman, Jean-Michel Basquiat, Robert Mapplethorpe, etc. Une fabuleuse galerie de portraits dont on ne peut citer tous les noms ; certains sont aussi absents dans l’ouvrage car leur nombre a augmenté de façon exponentielle à partir du milieu du XXe siècle.
Complété d’une chronologie de 1500 à 2000 et de cartes, L’art des États-Unis 1750-2000 constitue un passionnant ouvrage de référence historique et artistique.

Par John Davis et Michael Leja
Ed. Hazan
544 pages
Parution avril 2023
45€


les femmes artistes sont de plus en plus dangereuses

Après « Les Femmes artistes sont dangereuses » en 2018, Laure Adler et Camille Viéville reviennent avec un nouvel opus qui continue à redonner leur place aux artistes femmes, grandes oubliées de l’histoire de l’art. Cet ouvrage brosse le portrait d’une cinquantaine de ces artistes (peintres, sculptrices, vidéastes, performeuses...), du XIXe siècle jusqu’à nos jours, en France et dans le monde. La plupart de ces femmes ont un destin extraordinaire, et chaque itinéraire mériterait une monographie, bien plus que la double-page illustrée qui lui est consacré, mais qui a le mérite de réhabiliter des figures oubliées ou méconnues et de mettre en lumière des artistes émergentes porteuses d’espoir pour les futures générations. De la suédoise Hilma af Klint (1862-1944),, théosophe et pionnière dans l’art abstrait à la performeuse Kudra Khademi, née à Kaboul en 1989 et réfugiée aujourd’hui à Paris, en passant par Vanessa Bell (1879-1961), Germaine Richier (1902-1959), Helen Frankenthaler (1928-2011), Judy Chicago (née en 1939), Ana Mendieta (1948-1985), Rachel Whiteread (née en 1963), Françoise Petrovitch (née en 1964), Anne Imhof (née en 1978)...chacune affirme sa singularité et toutes revendiquent leur légitimité dans l’histoire de l’art.

Laure Adler et Camille Viéville
Ed. Flammarion
Octobre 2022
144 pages - 100 ill.
205 x 275 mm
29,90€


Valentine Schlegel. L’art pour quotidien

« Je n’ai pas essayé de faire une œuvre. Il fallait vivre et survivre ». Beaucoup d’humilité dans un talent fou au service d’une œuvre pleine de force, de vitalité et réconfortante. Valentine Schlegel (1925-2021) n’a cessé toute sa vie d’inventer des formes pour embellir le quotidien. Tour à tour céramiste et sculptrice, résolument indépendante, grâce à son talent pluriel et son sens aigu de l’observation, elle a modelé et façonné une œuvre à la fois originale et familière.
Née « sur la plage » à Sète, un beau jour de novembre 1925, comme elle aimait le raconter, Valentine Schlegel a fait de cette « île singulière », -comme la désigne Paul Valéry qui n’a cessé de l’inspirer-, son lieu d’ancrage et de rencontres et d’amitiés. Parmi elles, celle d’Agnès Varda (1928-2019) à l’adolescence. Mais aussi Jean Vilar, l’époux de sa sœur aînée Andrée. Jusqu’en 1951, Valentine participera deux mois par an à la préparation des spectacles du festival d’Avignon qu’il a créé, se liant avec Jeanne Moreau, Sylvia Monfort, Catherine Sellers, Gérard Philipe.
Formée à l’école des Beaux-Arts de Montpellier, la jeune femme installée à Paris en 1945 fait le choix de la céramique, participant pleinement au renouveau de cet art dans les années 50. Ses plats et vases biomorphiques, d’abord couverts de motifs inspirés par la nature (arbre, oiseau, plante) et colorés de parmes, de bleus nuit, de verts amande et de blancs laiteux, vont évoluer vers plus de simplicité avec ses grands vases-sculptures aux formes organiques et sensuelles, utilisant comme seul décor la terre rouge. Elle sculpte aussi des couverts dans le bois, tout en sinuosités. Ayant testé le plâtre dès 1955 dans des sculptures monumentales pour des décors de théâtre, Valentine Schlegel rencontre surtout un grand succès avec sa production de cheminées en plâtre qu’elle va réaliser pendant près de 40 ans. De véritables sculptures à vivre, à la blancheur épurée, se déployant parfois sur un pan de mur complet, intégrant un siège.

Publié à l’occasion de l’exposition « Valentine Schlegel, l’art pour quotidien » présentée à l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran, musée Fabre de Montpellier, du 12 mai au 17 septembre 2023, cet ouvrage fait revivre cette figure inventive de la céramique et de la sculpture du XXe siècle, qui « aimait le quotidien exceptionnel » et laisse derrière elle une production conjuguant nature et modernité, utile et beauté. Elle a en outre marqué de nombreux enfants qui ont bénéficié de sa pédagogie novatrice à l’« Atelier des moins de quinze ans » aux Arts décoratifs.

Visuel de couverture : Valentine Schlegel avec le vase en terre façonnée au colombin, faïence chamottée, émail, vers 1955, Photographie d’Agnès Varda.

Collectif d’auteurs
Ed. Snoeck et musée Fabre
Mai 2023
128 pages
20€


Le bonheur dans la littérature et la peinture

Le bonheur, cette création de notre culture, cette quête sans cesse renouvelée et si souvent mise à mal par les sceptiques ou les railleurs, jugée naïve, indécente ou vaine serait trouvable dans la littérature et la peinture. C’est ce que tend à démontrer Pascal Dethurens, spécialiste des relations entre la littérature et les arts dans cet essai qui réunit nombre de récits et d’œuvres de poètes, écrivains, philosophes et peintres occidentaux qui depuis des siècles ont rivalisé d’inventivité pour dire le bonheur, le peindre, en montrer la nécessité. Spinoza ne disait-il pas que : « l’essence même de l’homme est le désir d’être heureux, de bien vivre, de bien agir. »

Et nous voilà plongé dans les fêtes vénitiennes de Guardi ou de Watteau, dans l’Age d’or de Lucas Cranach l’Ancien et sa version moderne par Signac ou Maurice Denis, dans Le Bonheur de vivre de Matisse, l’ivresse solaire de Rilke, les parties de bateau de Renoir, l’exultation amoureuse de Dante, La Joie de vivre de Picasso, la jouissance des promenades solitaires et du farniente de Rousseau, Le Paradis terrestre vu par Bonnard, ou encore les sentences épicuriennes d’un Pierre de Ronsard conseillant à Hélène : « Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. » Et tant pis pour Proust qui concluait Le Temps retrouvé en écrivant que : « le bonheur n’a presque qu’une seule utilité, rendre le malheur possible ».
Un bonheur de lecture par tous les temps.

Pascal Dethurens
Ed. Hazan
192 pages, 100 ill.
Format 22 x 28 cm
Parution 21-09-22
35€


Voluptés. Plaisirs clandestins

Dans les années 1830, les ouvrages imprimés réputés « contraires aux bonnes mœurs » et publiés sous le manteau sont séparés du reste des collections de la Bibliothèque royale. Ils furent ainsi rassemblés afin de constituer une section à part intitulée « Enfer ». Il en alla de même des estampes.
Ce petit livre-objet de « L’œil curieux » propose une plongée dans l’atmosphère capiteuse des bordels, des couvents et des boudoirs du 16e au 20e siècle, à travers 40 manuscrits, éditions originales (Sade, Apollinaire, Pierre Louÿs, Bataille...) et gravures érotiques issues des collections de la BnF.

BnF éditions
Collection l’œil curieux
47 pages illustrées
12 cm x 16 cm
6,90€


Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur.

Au moment où Claude Monet (1840-1926), de retour au Havre, peint Impression, soleil levant qui va faire scandale à Paris, son frère aîné Léon (1836-1917), diplômé en chimie co-fonde la Société industrielle de Rouen et s’associe à la puissante société suisse Geigy & C°, spécialisée dans les couleurs synthétiques à l’aniline. Léon Monet mène une vie confortable, ce qui lui permet d’acheter plusieurs toiles à son frère à l’époque où celui-ci travaille au Havre, à Honfleur et à Étretat, et peine à trouver des clients pour ses œuvres. Il acquiert pour commencer Fleurs de printemps (1864) et Adolphe Monet lisant dans un jardin (1866). Reconnu pour son « intelligence vive et prompte » et son caractère « cordial et franc », Léon Monet devient une personnalité respectée, très impliquée au sein des nombreuses associations culturelles que compte la ville de Rouen. Il incite Monet et ses amis impressionnistes à participer en 1872 à la 23e exposition municipale, où il expose lui-même quatre œuvres de sa collection. Le 24 mars 1875, Léon est présent à la première grande vente impressionniste qui s’ouvre à l’hôtel Drouot, à Paris. Il acquiert aux moins cinq peintures, se positionnant juste après le marchand Paul Durand-Ruel qui n’en achète pas moins de 18.

Toutefois, en 1882, une première brouille éclate entre Léon et Claude à cause d’une dette que Claude Monet tarde à régler. Mais la fâcherie est de courte durée et Léon décide de lui apporter un soutien actif ainsi qu’à ses amis impressionnistes. Ce sont les prémices de la constitution d’une remarquable collection d’art moderne. Léon achètera plus d’une vingtaine de toiles de son frère et ses deux plus anciens carnets de dessins datés de 185. Ainsi que des toiles et dessins de Sisley, Pissarro et Renoir (dont En été, la Bohémienne (1868) et Paris l’institut au quai Malaquais (1875), et des estampes japonaises.

Léon Monet a surtout un faible pour les paysages évoquant son enfance passée au Havre et à Sainte-Adresse ou ceux de son épanouissement professionnel et familial entre Rouen et les Petites Dalles sur la côte normande. Entre 1879 et 1885, Claude Monet rend visite, à plusieurs reprises, à son frère quand il réside en villégiature aux Petites-Dalles. Une petite station balnéaire du pays de Caux qui inspira d’ailleurs à l’artiste plusieurs tableaux. Le 16 juillet 1892 et alors que Claude Monet s’unit officiellement à Alice, Léon est choisi comme témoin. Mais les relations entre les deux frères se ternissent lorsque Léon, veuf depuis 1895, choisit d’épouser en 1897 sa cuisinière de près de trente ans sa cadette. La mort d’Adrienne, fille de Léon en 1911, puis celle de Jean, fils de Claude en 1914, toutes deux causées par les substances chimiques respirées dans l’usine de Léon où ils travaillaient scellent la rupture définitive entre les deux frères. Léon et Claude ne se recroiseront jamais et Claude n’assistera pas à l’enterrement de Léon.
Cette séparation ne saurait effacer le lien profond et la complicité créative doublée d’une passion commune pour la couleur qui a lié Claude et Léon, indéfectible soutien de son artiste de frère à ses débuts et qui l’accompagna sur le chemin de la reconnaissance officielle.

Ce catalogue illustré accompagne l’exposition présentée au musée du Luxembourg, du 15 mars au 16 juillet 2023. Elle réunit un ensemble d’œuvres de Claude Monet (Vue de Sainte-Adresse, 1864 ; La Plage de Sainte-Adresse, 1864 ; Portrait de Léon Monet, 1874 ; Étretat, 1884, La Cathédrale de Rouen. Le portail et la tour Saint-Romain, plein soleil, 1894…) et de ses amis impressionnistes : Camille Pissarro (Environ de Rouen,1883...) ou encore Alfred Sisley (Route de Louveciennes, effet de neige, 1874...), mais aussi celles moins connues des peintres de l’École de Rouen, tels Georges Bradberry, Marcel Delaunay, Joseph Delattre, Charles Frechon ou Narcisse Guilbert, qu’il a eu à cœur de défendre. L’exposition présente aussi des recettes de couleur, des échantillons de tissus et des livres de comptes, évoquant le Rouen industriel dans lequel Léon Monet évolua.

Sous la direction de Géraldine Lefebvre
Editions de la RMN- Grand Palais, 2023
Parution le 15 mars 2023
18 x 26,1 cm
256 pages, 180 ill.
39 €