Vous consultez une archive !

Le théâtre maniériste d’Antoine Caron

Longtemps oublié, le peintre de la Renaissance Antoine Caron (1521-1599) renaît au château d’Écouen dans une exposition qui réunit tableaux, dessins, gravures, documents et les huit somptueuses tapisseries de la célèbre Tenture des Valois commandées par Catherine de Médicis, un prêt exceptionnel des galeries des Offices à Florence.

Qui se souvient d’Antoine Caron (1521-1599) ? Et pourtant, cet artiste de la Renaissance jouissant d’une grande renommée à son époque, a réalisé d’innombrables dessins, dans un style proche du maniérisme issu de l’École de Fontainebleau, et qui servirent de modèles, aussi bien visuellement que techniquement, à de très nombreux artistes qui les retraduisaient en peintures, gravures, sculptures, vitraux ou tapisseries, dans des genres artistiques très divers : peinture d’histoire, scénographie, allégorie, décor et paysage.

Fournisseur de modèles

Inventeur et fournisseur de modèles, Caron, qui vécut jusqu’à 78 ans, laisse aussi des peintures aux fastueux décors, comme La Résurrection du Christ, vers 1584 : une huile sur bois dans laquelle les personnages aux silhouettes élancées, étirées à l’extrême, semblent danser comme sur une scène de ballet. Une scénographie très théâtrale que l’on retrouve dans d’autres œuvres comme Les Funérailles de l’Amour, vers 1570, Auguste et la sibylle de Tibur, vers 1573 et même dans le sanglant Massacres du Triumvirat, 1566 (son unique tableau signé, conservé au Louvre et non exposé à Écouen) où sont mis en scène les principaux monuments de Rome derrière une scène d’horreur surréaliste.

Peintre d’architectures maniéristes

Né en 1521 à Beauvais où il se forme dans l’atelier des Le Prince, célèbres maîtres-verriers, Caron a continué sa formation dans les années 1540 auprès des Italiens actifs sur les chantiers du château de Fontainebleau, Rosso Fiorentino, Primatice et surtout Niccolo dell’Abate, s’affirmant comme un digne héritier de ce dernier. Caron se trouve très vite sollicité par le roi de France François 1er, puis par quatre autres rois Valois (y compris la reine mère Catherine de Médicis, épouse d’Henri II), jusqu’à Henri IV le premier des Bourbons, produisant des œuvres qui reflètent l’ambiance raffinée, bien que très instable de la cour de la maison de Valois, pendant les guerres de Religion de 1560 à 1598. La vivacité de ses coloris dans une palette acidulée participe au caractère souvent fantastique, voire onirique donné à ses œuvres, notamment dans ses ruines romaines (l’Antiquité est très à la mode) dans lesquelles il incorpore des architectures fantaisistes, dans des vues plongeantes ou des perspectives à la profondeur exagérée.
Si l’on ne peut certifier l’existence d’un atelier ou d’apprentis autour de Caron, le nombre de ses suiveurs est évident au vu des copies ou variations de ses dessins qui circulent ; la libre transmission des motifs étant la règle. Une démultiplication de l’imagerie caronesque qui loin d’attester un appauvrissement créatif, indique, au contraire, la célébrité de l’artiste et de son répertoire.

Peintre des Valois

Plusieurs de ses dessins réalisés vers 1573-1574 (sous Charles IX), sont associés aux compositions de La Tenture des Valois, ces huit tapisseries monumentales commandées par Catherine de Médicis. Tissées sans doute entre 1575 et la fin des années 1570 (sous le règne d’Henri III), dans les ateliers du Bruxellois Willem de Pannemaker, elles montrent des portraits grandeur nature et célèbrent les grandes heures de la cour des Valois (Tournoi de Bayonne, Assaut d’un bastion en forme d’éléphant, Fête nautique sur l’Adour, réception des ambassadeurs polonais aux Tuileries, Cour de France en voyage..). Une véritable œuvre de propagande fantasmant l’éclat et l’unité de la dynastie. Conservées aux galeries des Offices à Florence, ces huit somptueuses tapisseries en laine et soie, rebrodées d’or et d’argent doré, sont réunies pour la première fois en France depuis le XVIe siècle dans le cadre d’une passionnante exposition présentée au musée national de la Renaissance à Écouen (95). Curatée par Matteo Gianeselli, conservateur du patrimoine, et en s’appuyant sur plus de 80 œuvres d’Antoine Caron et de son cercle (peintures, manuscrits, dessins, gravures), elle témoigne des multiples facettes de cet artiste doté d’une solide érudition, d’une sensibilité à l’architecture, d’une exceptionnelle créativité poétique et d’un sens certain de la politique pour répondre aux demandes des commanditaires. Elle met en évidence son rayonnement, et la polyvalence du métier de peintre à la Renaissance.

Une belle occasion de venir au château d’Écouen, construit en 1538 par le connétable de France, Anne de Montmorency, pour y accueillir le roi. Entouré d’une forêt et dominant la Plaine de France, il est devenu musée de la Renaissance en 1969. Sa prestigieuse collection d’arts décoratifs est exposée au sein de salles qui ont conservé une grande partie de leur décor d’origine, évoquant la présence d’Henri II et de son épouse Catherine de Médicis qui y séjournèrent à plusieurs reprises. Une jolie balade dans l’art, l’histoire de France et la nature, à 30 minutes de Paris.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 5 avril au 3 juillet 2023
Musée national de la Renaissance
Château d’Ecouen – 95440
Tous les jours, sauf mardi
9h30-12h45 et 14h-17h45
Tarifs : 7€/5,50€
www.musee-renaissance.fr


 Catalogue : Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’histoire. Sous la direction de Matteo Gianeselli. Ed. RMN-GP. 240 pages, 120 illustrations. 40€


Visuels :
 Antoine Caron, La Résurrection du Christ, vers 1584. 125 x 138 cm. Huile sur bois. Beauvais, musée départemental de l’Oise, © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Ollivier.
 Galerie de Psyché, Château d’Écouen, Tenture des Valois. Photo A.Go.
 Portrait d’Antoine Caron, 1592 ? attribué à François Quesnel. 34,9 x é4,9 cm. Pierre noire, sanguine, craies de couleur et estompe. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie © DR.
 Antoine Caron, Auguste et la sibylle de Tibur, vers 1573. Huile sur toile, 125 x 170 cm. Paris, musée du Louvre, (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot.
Musée national de la Renaissance – Écouen (95) © PWP.