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Antonin Personnaz : la vallée de l’Oise en autochromes

Grand collectionneur des impressionnistes, dont Camille Pissarro (1830-1903) devenu son ami et dont il possèdera 25 toiles, Antonin Personnaz (1854-1936) a eu le bon goût de léguer à l’état français 142 œuvres majeures signées : Pissarro, Guillaumin, Sisley, Degas, Renoir, Toulouse-Lautrec, ou encore Monet et son célèbre Pont d’Argenteuil. Des peintures qui figurent aujourd’hui parmi les chefs-d’œuvre présentés au Musée d’Orsay et au Musée Bonnat-Helleu, dont Personnaz fut le directeur. Mais Personnaz est aussi un pionnier de la photographie en couleurs. Alors qu’il réside à Auvers-sur-Oise entre la fin des années 1890 et 1914, il réalise de nombreuses photographies, d’abord en noir et blanc puis en couleurs avec le procédé de la plaque autochrome nouvellement commercialisé par les Frères Lumière qui confère aux photographies un style pictorialiste qui va vite séduire nombre de professionnels et d’amateurs. Le secret de cette invention -dont le brevet a été déposé en 1903-, réside dans l’emploi de…fécule de pomme de terre teintée en trois couleurs (rouge-orangé, vert et bleu-violet), permettant de capter et filtrer la lumière. Les couleurs sont recomposées par notre œil à partir de la juxtaposition de cette multitude de points colorés. Le ciel nous semble bleu, mais en s’approchant, on distingue parfaitement la myriade de points multicolores qui le compose. Avec son rendu velouté et pointilliste la photographie autochrome donne l’illusion de la peinture impressionniste.

Dès sa mise sur le marché en 1907, l’autochrome connaît un succès immédiat. Le banquier Albert Kahn va l’utiliser pour ses Archives de la planète, premier reportage global du monde en couleurs (https://lagoradesarts.fr/-A-la-recherche-d-Albert-Kahn-.html). Personnaz va réaliser plus d’un millier de plaques, se passionnant pour la vie rurale et fluviale dans la vallée de l’Oise entre Auvers et Pontoise. On y voit les moissons et des meules séchant au soleil comme celles peintes par Monet ; des paysans et leurs charrettes tirées par des chevaux ; une femme et son ombrelle au bord de l’eau ; la rue Daubigny à Auvers sous la neige ; des péniches à quai ; un train de péniches sur l’Oise tiré par une bateau à vapeur crachant une épaisse fumée noire, ou encore des artistes peignant sur le motif, tel Emilio Boggio photographié par Antonin Personnaz sur fond d’église d’Auvers, vers 1910-1914, une vingtaine d’années après que van Gogh y a séjourné.

Léguées à la Société française de photographie, nombre de ses photographies sont restées inédites. Le musée Pissarro à Pontoise dirigé par Christophe Duvivier (grand spécialiste de Pissarro) en expose une belle série, axées sur la vallée de l’Oise entre 1907 et 1914. Tirées sur papier baryté et agrandies à partir des numérisations des autochromes originaux, elles sont accompagnées de tirages transparents dans des caissons rétroéclairés.
Une belle découverte et l’occasion de visiter ce charmant musée qui rend hommage à Pissarro qui séjourna à Pontoise entre 1866 et 1868 puis entre 1872 et 1884, y réalisant plusieurs centaines de ses œuvres aux côtés parfois de Cézanne et Gauguin. Situé dans une maison bourgeoise de la fin du XIXe siècle construite en haut des remparts et dominant la vallée de l’Oise, le musée Camille Pissarro s’appuie sur les collections de peintures et de dessins XIXe du musée principal, le Musée Tavet-Delacour (face à la mairie de Pontoise). Encadrant deux peintures du maître (La Brouette dans un verger, Le Valhermeil, vers 1879 et Péniche sur la Seine, vers 1863), l’accrochage présente des œuvres de ses fils : Lucien, Georges, Ludovic-Rodo et Félix qu’il initia à l’art et celles de ses amis Paul Signac, Louis Hayet, Ludovic Piette et ses nombreuses vues de Pontoise, complété d’œuvres d’artistes du XIXe siècle comme Charles François Daubigny, Norbert Goeneutte ou Emilio Boggio, qui ont posé leurs chevalets tout au long de la Vallée de l’Oise, inspiratrice incontestée des artistes.

Catherine Rigollet

Visuels : Antonin Personnaz, Auvers-sur-Oise, train de péniches sur l’Oise, 1907-1914 (au second plan, l’église d’Auvers). Plaque autochrome, 9 x 12 cm. Paris, Société française de photographies.
Antonin Personnaz, Méry-sur-Oise. L’Oise en amont de l’île de Vaux. Femme à l’ombrelle rouge. 1907-1914. Plaque autochrome, 9 x 12 cm.
Antonin Personnaz, Auvers-sur-Oise, Emilio Boggio peignant sur les bords de l’Oise, 1910-1914 (au second plan : l’Oise et l’église d’Auvers). Plaque autochrome, 9 x 12 cm. Paris, Société française de photographies.
Camille Pissarro (1830-1903), La Brouette dans un verger, Le Valhermeil, vers 1879. Huile sur toile, 54 x 65 cm. Paris, musée d’Orsay. Œuvre en dépôt au Musée Pissarro. ©

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Musée Camille Pissarro
Du 27 juin au 3 octobre 2021
17 rue du Château
95300 Pontoise
Ouvert du mercredi au dimanche
De 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h
Tarif plein : 5 €
www.ville-pontoise.fr