Art brut. La collection Decharme

Le Grand Palais expose quatre cents œuvres d’art brut, issues de la donation exceptionnelle de mille pièces effectuée par Bruno Decharme au Centre Pompidou en 2021. Un -très- vaste panorama qui offre de belles découvertes de cet art au-delà des beaux-arts, du XVIIe siècle jusqu’à nos jours, de France et du monde, aux thèmes universels.

Art brut. Si Jean Dubuffet le nomma ainsi et s’appropria le terme pour sa propre collection, d’autres expressions fleurirent : art singulier, art hors les normes, art des fous…Rebelle et libre de toute catégorie, même ses « créateurs » ne se réclament pas de l’art. Ils ne se disent ou ne se pensent pas artistes, ne sortent pas d’une école d’art, mais ont créé de véritables œuvres d’art avec une inventivité spontanée, poussés par un besoin vital, souvent de manière obsessionnelle. Chacun de leur univers est unique et authentique. Leurs œuvres aux supports et techniques très variés, souvent d’un style naïf sont toujours surprenantes, insolites, étranges, parfois drôles, quelquefois angoissantes. Expressions du rêve, de la folie, de la joie ou de la souffrance…

Fin collectionneur, Decharme eut l’œil et la passion pour dégotter des chefs-d’œuvre devenus des classiques, tels ceux d’Adolf Wolfli, Aloïse Corbaz (dit Aloïse), Martín Ramírez, Henry Darger, Augustin Lesage, Emery Blagdon, pour ne citer qu’eux. Mais aussi découvrir des raretés. Par exemple une broderie provenant d’un hôpital psychiatrique des environs de Manchester (États-Unis) sur laquelle on voit en vrac : chevaux, oiseaux, voiliers, croix, dates et même des mots, dont un nom : Bridget Cronnin, 1902. Ou cette incroyable œuvre épistolaire qu’Harald Stoffers dédie à sa mère et qui prend la forme de rouleaux de papier pouvant dépasser plusieurs mètres. Au fil des onze thématiques abordées dans l’exposition, on se rend compte de l’universalité des motivations des artistes : sauver le monde, questionner sa création, vaincre les monstres et le diable, danser avec les esprits, comprendre sa propre identité…

Au cœur de l’exposition (mais avec une entrée payante supplémentaire de 7€ !), Insider-Outsider est une expérience musicale interactive en réalité virtuelle (10 min). Créée par le musicien Philippe Cohen Solal, elle s’inspire de l’œuvre de l’artiste américain d’art brut Henry Darger (1892-1973) dont on découvre dans la suite de l’exposition (avec plus d’intérêt) les grandes aquarelles aux paysages paradisiaques qui mettent en scène les sévices que les guerres font subir aux enfants. Les dessins de Darger jouxtent ceux de l’artiste suisse Aloïse (1886-1964), figure majeure de l’art brut. Diagnostiquée schizophrène en 1918 et internée pour le reste de ses jours dans l’établissement de La Rosière à Gimel, Aloïse, qui rêvait de devenir cantatrice, a réalisé plus de 2 000 dessins peuplés de femmes aux grands yeux bleus et de couples d’amoureux, réalisés aux crayons de couleur sur de grands papiers de récupération, cousus ensemble et souvent utilisés sur les deux faces. Une œuvre exubérante, colorée, sensuelle et théâtrale.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 26 juin au 21 septembre 2025
Grand Palais
Entrée square Jean Perrin
Du mardi au dimanche, 10h-19h30
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h
Tarifs : 15€/12€, gratuit moins de 18 ans.
www.grandpalais.fr


Visuels :

 Anselme Boix-Vives (Espagne, 1899- France, 1969). Châtelaine espagnole, 1962-1969. Gouache sur carton. Photo L’Agora des Arts.

 Harald Stoffers (Hambourg, 1961), Sans titre, 2005-2012. Feutre noir et rose sur papier.
Photo L’Agora des Arts.

 Bridget Cronnin (19e-20e siècle – États-Unis), Sans titre, 1902. Broderie, coton, perles, velours sur toile (89 x 91 cm). Photo L’Agora des Arts.

 Henry Darger (Chicago, 1961), Extrait de la saga « Dans les Royaumes de l’irréel » qui décrit le combat des sœurs Vivian contre les Glandeliniens, des adultes coupables d’esclavage, de torture et d’assassinat envers les enfants. Aquarelle et mine graphite et collage sur papier.
Photo L’Agora des Arts.

 Aloïse Corbaz (Lausanne, 1886 – Cimel-sur-Morges, 1964), Alice en bataille fleurie et Grenadille bleue, 1941-1951. Craie grasse, crayon de couleur, dentifrice et collage sur papiers kraft cousus. Photo L’Agora des Arts.