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Le virus de la peinture dans la famille Rouart

Elle a l’air d’une adolescente avec sa taille fine et son petit short bleu ciel. Allongée sur le lit, la tête enfouie dans l’oreiller, elle semble pleurer. La nuit tombe sur un jour d’été. Sur la fenêtre, un chat noir et blanc, placide, la regarde. « C’est ma mère », nous explique sourire en coin l’écrivain et académicien Jean-Marie Rouart (né en 1943), « elle et mon père Augustin viennent de se quereller, mais je suis né de leur réconciliation ». C’est un peu L’origine du monde, lance l’immortel fier de son bon mot. Ce tableau surnommé Lagrimas y penas (1943), fait partie de l’importante donation récemment effectuée au Petit Palais par Jean-Marie Rouart, riche de douze œuvres d’Henri Rouart, Henry Lerolle, Maurice Denis et d’Augustin Rouart son père (1907-1997), un figuratif aux paysages et portraits de membres de sa famille aux teintes douces et joyeuses, et au style très art déco.

Car la « Constellation Rouart », liée ou alliée à toute la constellation impressionniste de Manet à Berthe Morisot, de Degas à Maurice Denis, de Renoir à Paul Valéry, est aussi bien pourvue en artistes récemment exposés à Pont Aven et à l’atelier Grognard à Rueil Malmaison, en 2016.. Les deux grands-pères de l’écrivain sont : le peintre (surtout connu comme décorateur mural) Henry Lerolle (1848-1929) dont les filles sont immortalisées au piano dans un célèbre tableau de Renoir, et Henri Rouart (1833-1912), ingénieur, industriel fortuné, collectionneur et peintre proche de Corot et de Millet. Il exposa avec les impressionnistes dont il fut à la fois l’ami, le mécène, achetant leurs œuvres à une époque où ces artistes n’étaient pas encore célèbres et faisaient même scandale. Sa collection compte aussi des œuvres de Delacroix, Jongkind, Courbet, Daumier, Velázquez, Poussin, Gauguin.

Aux côtés des œuvres de la donation, le Petit Palais en présente d’autres issues de ses collections et liées à la famille Rouart. On y voit quelques pastels et tableaux de Berthe Morisot (Jeune fille au décolleté, la fleur aux cheveux, 1893), Edgar Degas (Madame Alexis Rouart et ses enfants, vers 1905) ou encore Auguste Renoir (Portrait de Berthe Morisot et de sa fille, 1894). Une quinzaine de prêts, ainsi que des archives familiales de Jean-Marie Rouart, complètent l’accrochage.
D’Augustin, cet « artiste discret, soucieux et torturé », comme le décrit son fils, une vingtaine de tableaux sont exposés, posés sur des lutrins au centre de la salle, dont huit ont été retenus pour la donation au musée. Paradoxalement, ce sont des peintures lumineuses et tranquilles : un nageur, un petit pêcheur, une nature morte au jonquille et narcisses, des faneuses dans un champ de blé doré par le soleil…

Pas de réservation pour voir cette petite exposition gratuite, car nichée au cœur des collections permanentes du Petit Palais qu’on ne se lasse pas de revoir.

Catherine Rigollet

Visuels : Augustin Rouart, Lagrimas y Penas, 1943. Huile sur contreplaqué. Petit Palais, donation sous réserve d’usufruit de Jean-Marie Rouart.
Augustin Rouart, Le Petit Pêcheur, 1943. Peinture à l’oeuf sur toile. Petit Palais, donation sous réserve d’usufruit de Jean-Marie Rouart. Crédit, Philippe Fuzeau.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Petit Palais
Du 1er juin au 10 octobre 2021
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Exposition gratuite en entrée libre
https://www.petitpalais.paris.fr/expositions/augustin-rouart