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Bonnard, une saison autour du Nu orange

Autour de l’exceptionnel tableau entré en 2019 dans les collections du musée Bonnard, Nu orange peint au Cannet autour de 1943, le visiteur est convié à un voyage autour des sujets favoris du peintre : l’époque de La Revue blanche, vie intérieure, nus, natures mortes et paysages.

Le parcours s’ouvre sur les débuts du peintre qui s’est fait très tôt un nom avec ses estampes et illustrations telle cette fameuse France-Champagne (1891), une lithographie à la gamme chromatique simplifiée en jaune et noir. Vient ensuite un ensemble d’œuvres Nabis, comme La Femme au parapluie (1897), inspirée de l’estampe japonaise d’un Hokusai, très apprécié de Bonnard, puis le Bonnard observateur de la société et spectateur de la rue (Femmes au chapeau rouge, 1894 ; Le Tramway vert, 1905).

Avec Maria Boursin (1869-1942), ouvrière de la maison Trousselier se faisant appeler Marthe de Méligny, que Bonnard a rencontrée en 1893, l’artiste a trouvé son modèle et la femme de sa vie. Dès lors, il ne va pas s’attacher à saisir ses traits, mais la beauté féminine, déclinant le nu féminin à l’infini, le perchant avec érotisme sur de hauts talons, jusqu’à ce fameux Nu orange. Une salle entière est consacrée à cette petite œuvre tardive, acquise aux États-Unis en partie grâce à un financement participatif. Peint en 1943, après le décès de Marthe, ce nu, sans doute la jeune Moucky Vernay, se tient debout devant un arbre fruitier. Son visage, tourné vers le lointain, se confond avec l’orange acidulé des fruits. Une peinture entre intérieur et extérieur, fascinante par son cadrage audacieux, ses irisations presque surnaturelles, son mystère, sa presque abstraction.

Cette œuvre solaire et magnétique a été peinte au Cannet, ville du Midi que l’artiste a découvert dès 1922, et aimé au point d’acquérir Le Bosquet une maison-atelier aux dimensions modestes, mais pleine de charme, construite à flanc de colline dominant la baie de Cannes et entouré d’un jardin en terrasses. Dans cette maison rose (classée Monument historique en 2007), Bonnard va peindre près de 300 œuvres : la maison elle-même, décor privilégié de ses toiles, notamment la salle à manger et la salle de bain, mais aussi le jardin – qu’il peint depuis sa fenêtre - et des paysages alentours que ce coloriste inonde de jaune, d’éblouissante lumière, de chaleur. De mémoire toujours, d’une façon très proustienne. Bonnard n’est pas un adepte de la peinture en plein air comme les Impressionnistes, il retient ce qui l’a marqué et le fixe vite sur la toile. Ce qui ne l’empêche pas de retoucher ses tableaux, parfois longtemps après les avoir officiellement terminés.

L’exposition se clôt avec le magnifique Amandier (vers 1930) en pleine floraison blanche, occupant toute la surface de la toile. Cher à Bonnard, il faisait face à la fenêtre de sa chambre, et Bonnard n’a cessé de le peindre jusqu’en 1947. Symbole du printemps et de la renaissance, il pourrait nous convaincre de la recherche de petits bonheurs intimistes, d’une quête d’Arcadie chez Bonnard.
Et si ce n’était pas si simple comme le suggère dans son œuvre ce voile de mélancolie qui brouille souvent son regard dans ses autoportraits, ces visages inexpressifs et sans sourire des femmes, ce corps longiligne et juvénile de Marthe qu’il ne fera jamais vieillir dans ses toiles, ces nus dans le bain suggérant la naissance comme la fin de la vie, leur présence évanescente tel ce Nu orange, à la fois si proche et si inaccessible.

Catherine Rigollet

 A voir à La Tate Modern à Londres « Pierre Bonnard, the colour of memory », une rétrospective réunissant près de 100 de ses plus belles œuvres : des scènes du quotidien, les bains que prenait sa femme Marthe pour se soigner, des vues de son jardin depuis la fenêtre de son atelier…Jusqu’au 6 mai 2020.

Visuels : Pierre Bonnard, Nu orange, vers 1943. Huile sur toile, 49,2 x 50,5 cm. Musée Bonnard, Le Cannet. Acquis avec l’aide de l’État, de la région Sud et de 356 donateurs.
Pierre Bonnard, Le Peignoir rouge, vers 1914, huile sur papier — 63 x 48 cm. Collection particulière.
Pierre Bonnard, L’Amandier, vers 1930. Huile sur toile — 51,1 x 34,9 cm. Musée Bonnard, Le Cannet. Don de la Fondation Meyer pour le développement culturel et artistique, 2014.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 23 novembre 2019 au 7 juin 2020
Musée Bonnard
Hôtel Saint-Vianney, 16, Bd Sadi Carnot
06110 Le Cannet
Tous les jours, sauf lundi, 10h-18h
(juillet-août : jusqu’à 20h)
Plein tarif : 5€
www.museebonnard.fr


Le Bosquet (maison de Bonnard)
29, avenue Victoria – Le Cannet


Expo à venir : Bonnard, Le Cannet, une évidence.
Ce parcours repensé suit la carrière de Bonnard, de son premier succès l’affiche France-Champagne, en passant par les œuvres réalisées en Normandie aux compositions lumineuses et colorées du Cannet.
Du 4 juillet au 1er novembre 2020