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Botero, dialogue avec Picasso

Un rendez-vous manqué dans le Sud de la France, et Botero ne put jamais rencontrer Picasso dont il admire l’œuvre versatile depuis son enfance. Lui qui, au contraire du maître espagnol, adopte et s’en tient à un style bien particulier fondé sur le volume et qui, dans une valse de couleurs, mêle formes girondes, mains et pieds menus et visages impassibles sur fonds de nature exotique ou scènes de la vie colombienne.

À Aix-en-Provence, dans ce dialogue visuel très parlant entre deux artistes de renom, le peintre colombien Fernando Botero (né en1932) se taille la part du lion sur les cimaises, soixante œuvres pour une vingtaine de Picasso ! L’exposition s’arrête sur les portraits et autoportraits, les appropriations, les natures mortes, le nu, l’Histoire, la tauromachie, la musique et la danse. Comme Picasso, Botero revisite les grands portraits du passé, non pas en les copiant, mais en peignant, de mémoire, de nouvelles “versions”, que ce soit Judith (D’après Cranach, 2016) ou une femme de la haute société du Second Empire, qui se voit dotée par le Colombien d’un visage d’homme et d’un système pileux bien visible dans son décolleté (D’après Madame Moitessier d’Ingres, 1989).
Si Picasso déconstruit les natures mortes durant sa période cubiste, Botero applique ses volumes outranciers et ses couleurs à des fruits et des fleurs, pour leur donner une plus grande sensualité. Botero soutient que “l’art n’a pas le pouvoir de produire des changements sociaux ou politiques”, en revanche il croit à l’immortalisation des faits de guerre grâce à ses représentations en art, que ce soient Tres de Mayo de Goya ou Guernica de Picasso. Hélas, sur les cimaises, pas une seule toile de sa série de 2005 sur les méfaits de la soldatesque américaine dans la prison d’Abu Ghraib en Irak, alors que Massacre en Corée, 1951 de Picasso figure en bonne place. La violence est représentée par un portrait présidentiel lisse et serein, et une scène villageoise de tremblement de terre.
Les deux peintres sont friands de spectacles, cirques, corridas, fêtes populaires. Dessins et toiles s’enchainent, avec toujours chez Botero, ce style volumineux qu’il veut éminemment reconnaissable. Mais on restera sur ses nus féminins, tout en rondeurs sensuelles (Femme à la plage, 2002), preuve que la peinture est, comme il l’avoue, “une caresse…”

L’accrochage et ses juxtapositions mettent en valeur les deux peintres, leurs personnalités, leurs esthétiques, leurs engagements. Picasso, en perpétuel renouvellement, Botero, admirateur de Picasso, mais pas suiveur… Un dialogue qui vaut le détour.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Pablo Picasso, Portrait d’une dame, d’après Cranach le Jeune, Cannes, 4 juillet 1958.
Gravure 64 x 53,5 cm. Museu Picasso, Barcelone © Succession Picasso 2017, Don de Jaume Sabartés, 1962 © Photo : Museu Picasso, Barcelona / Gasull Fotografia.
Fernando Botero, D’après Cranach, 2016. Huile sur toile, 172 x 140 cm. Collection privée © Fernando Botero.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 24 novembre 2017 au 11 mars 2018
Hôtel de Caumont, Centre d’Art
3, rue Joseph Cabassol
13100 Aix-en-Provence
Ouvert tous les jours, même les jours fériés
De 10h à 18h
Entrée : 13€
www.caumont-centredart.com