La plus grande collection au monde des œuvres de Camille Claudel bénéficie désormais d’un musée. Ouvert le 26 mars 2017, il présente 200 sculptures illustrant la sculpture française au XIXe siècle, dont 43 sculptures de Camille Claudel acquises par la Ville de Nogent-sur-Seine (Aube). Une réussite.
En arrivant à Nogent-sur-Seine (Aube), on oublie vite la centrale nucléaire qui domine la rive du fleuve avec ses deux hautes tours de refroidissement, attiré par le charme de cette ville qui servit de cadre au roman L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert. Une cité au riche passé avec ses maisons à colombages, sa belle minoterie ornementée (ancien moulin Sassot, aujourd’hui propriété du groupe Soufflet), son église saint Laurent du XVe siècle et ses générations de sculpteurs qui se sont succédées tout au long du XIXe siècle. Marius Ramus (1805-1888), Paul Dubois (1829-1905), Alfred Boucher (1850-1934)…et Camille Claudel (1864-1943).
Son talent découvert et encouragé par le sculpteur Alfred Boucher (à qui l’on doit aussi le premier musée de Nogent et la création de La Ruche à Paris), c’est à Paris que Camille Claudel ira se former, notamment dans l’atelier d’Auguste Rodin dont elle deviendra à partir de 1884 : l’assistante, le modèle et l’amante, jusqu’à leur rupture en 1893 et la lente dégradation de l’état de santé mentale de Camille qui en découlera. Mais c’est à Nogent-sur-Seine, qui possède la plus importante collection au monde de ses œuvres, qu’un musée lui est aujourd’hui dédié. Il a ouvert le 26 mars 2017, non sans quelques difficultés.
Abrité dans l’ancienne maison de la famille Claudel réhabilitée à laquelle a été ajouté un nouvel édifice en briques conçu par l’architecte Adelfo Scaranello et parfaitement intégré dans le tissu urbain, le musée qui avait déjà acquis entre 2006 et 2008 la Tête d’Hamadryade, l’Implorante et Persée et la Gorgone, a pu acheter la collection privée de Reine-Marie Paris, la petite-nièce de Camille Claudel. Cette historienne d’art consacre sa vie à faire connaître l’œuvre de sa grand-tante, dont la vie tragique a inspiré de nombreux ouvrages et films qui ont contribué à sortir son génie de l’oubli et de l’ombre tutélaire de Rodin.
Un musée de la sculpture française au tournant du XIXe et du XXe siècle.
Lumineux, épuré, intelligemment pensé dans son propos, le parcours du musée met magnifiquement en valeur une quarantaine d’œuvres de Camille Claudel dont ses plus sublimes : La Valse, L’Abandon, La Petite Châtelaine (dont un exemplaire en marbre prêté par La Piscine à Roubaix), L’Implorante, L’âge mûr, Les Causeuses...parfois dans plusieurs versions (plâtre, terre cuite, bronze, marbre, grès flammé). Leur dialogue avec des œuvres de Rodin rappelle que l’influence fut à double sens et met en évidence l’expressivité (Clotho), la sensualité (L’Abandon), la fougue (La Valse), la dramaturgie parfois (L’Âge mûr) des sculptures de Camille Claudel qui, malgré sa singularité, s’inscrit parfaitement dans son temps avec son langage qui tisse des liens entre le Naturalisme et le Symbolisme, le courant néo-Florentin et l’Art Nouveau.
C’est une autre réussite de ce musée et de sa jeune conservatrice Cécile Bertran, 39 ans, que de montrer, à côté des œuvres de Camille Claudel (et de Rodin), des sculptures de Marius Ramus, Paul Dubois, Alfred Boucher, mais aussi Gustave Doré, Jules Dalou, Alexandre Falguière, François Pompon ou encore Antoine Bourdelle, qui témoignent de la sculpture française au tournant du XIXe et du XXe siècle, avec ce goût pour le nu, l’Antique, la mythologie ou encore la représentation du travail –idéalisé le plus souvent, comme ce beau Terrassier pensivement appuyé sur sa pioche d’Émile Laporte (1858-1907). Passionnant aussi le focus sur les différentes techniques de la sculpture, avec notamment un film permettant de visualiser et de comprendre fonte d’un bronze ; un art complexe et essentiel qui exigeait une étroite coopération entre le fondeur et le sculpteur, et surtout la confiance de ce dernier. Camille Claudel, qui rencontra beaucoup de difficultés pour obtenir des commandes de pièces en bronze, travailla entre 1902 et 1905 avec le fondeur et éditeur Eugène Blot, fidèle soutien de l’artiste qui joua un rôle décisif dans la diffusion de ses œuvres.
Catherine Rigollet (reportage 2017)
Visuels : Vue du musée © L’Agora des Arts.
Camille Claudel, La Valse ou Les Valseurs, 1889-avant 1895. Grès, 41,5 x 37 x 20,5 cm. Achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle, 2008 © musée Camille Claudel, photo Marco Illuminati.
Camille Claudel, L’Âge mûr, 1890-1907. Bronze, 61,6 x 89 x 37 cm. Achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle, 2008. © L’Agora des Arts.
Camille Claudel, La Vieille Hélène ou Vieille Femme, vers 1881-1882. Terre cuite, 1885. Achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle, 2008. © L’Agora des Arts.
Musée Camille Claudel, Nogent-sur-Seine. Salle 13 autour des Valses © L’Agora des Arts.