Exposition inaugurale pour le Centre d’Art qui occupe maintenant l’Hôtel de Caumont, hôtel particulier du 18e siècle situé non loin du Cours Mirabeau et du Musée Granet.
Giovanni Antonio Canal (1697-1768), dit Canaletto, ne quittera Venise à laquelle son nom est immanquablement attaché que deux fois : un voyage à Rome avec son père, peintre de décors de théâtre et d’opéra, et un séjour londonien (1746-55) qu’il interrompra par un retour dans la Sérénissime de quelques mois.
À Rome, Canaletto découvre les ruines archéologiques qu’il traduit en « Caprices », interprétations fantaisistes de l’Antiquité peuplées de fontaines, obélisques, arches et murs délabrés. De retour à Rome, le collectionneur et marchand d’art John Smith lui commande des vues de Venise. Le védutiste s’affirme et les commandes de collectionneurs britanniques affluent. Un tracé précis des architectures, la limpidité de l’air, le chatoiement de l’eau, et des vénitiens campés en plein mouvement caractérisent ses vues du Grand Canal, de la Place Saint-Marc et de la lagune. Gravées par la suite, elles augmenteront sa popularité en Angleterre et chez les touristes du « Grand Tour ».
Le succès de son neveu Bellotto dans les cours européennes et la diminution du nombre de touristes incitent Canaletto à partir pour l’Angleterre. Il y découvre les prairies verdoyantes, les demeures aristocratiques, les vues de Londres, les ciels tempétueux et les panoramas aux horizons lointains qui occuperont ses toiles et ses feuilles de dessin. À son retour à Venise, sa production s’effondre. John Smith vendant maintenant les vedute de Guardi, Canaletto travaille sur de petites toiles, novatrices, vivantes avec des ciels moins sereins et une architecture simplifiée.
Au cours de sa vie, Canaletto a peint 500 tableaux, le plus souvent seul, ou avec l’aide limitée de sa famille, dont Bellotto pour les tableaux de grande taille. Avec une cinquantaine d’œuvres, la commissaire, Bożena Anna Kowalczyk (à laquelle on doit l’exposition Canaletto-Guardi au Musée Jacquemart-André en 2012-13), nous promène dans les trois lieux, nous permettant d’admirer une nouvelle fois le vedutiste, de redécouvrir le créateur fantaisiste et imaginatif des Caprices, un aspect moins connu du peintre, et d’apprécier le côté documentaire de ses œuvres de commande anglaises, peu vues en France jusqu’à maintenant. Une pause rafraichissante dans la touffeur aixoise.
Elisabeth Hopkins
Visuel : Canaletto, Venise, les Îles de la lagune, vues du Campo San Pietro di Castello, avec Santa Maria delle Vergini, vers 1725. Huile sur toile, 64 x 108 cm. Moscou, Musée national des Beaux-Arts Pouchkine © The State Pushkin Museum of Fine Arts, Moscow