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Caravage. Un coup de fouet

Le musée des Beaux-Arts valorise ses propres collections en les confrontant à des œuvres prêtées par de grandes institutions. C’est dans ce cadre que s’inscrit cette exposition restreinte mais passionnante, qui juxtapose deux œuvres de Caravage (1571-1610) et une dizaine d’œuvres de ses contemporains ou admirateurs du 17e siècle.

Deux Caravage seulement ? Au sortir de cette exposition, dont la genèse est superbement expliquée, dans le catalogue et viva voce, par le commissaire Diederik Bakhuys, il vous semblera tout comprendre de ce peintre novateur, batailleur et meurtrier, mais admiré et acheté par des cardinaux et aristocrates romains.
Il y a quelques années, le musée de Rouen avait prêté sa Flagellation du Christ, dit aussi Le Christ à la colonne, 1606-1607 au musée Capodimonte de Naples. Pourquoi donc ne pas solliciter le prêt du Caravage napolitain, La flagellation du Christ, 1607 en retour ? Ce qui fut pensé fut fait, et les deux tableaux, accrochés côte à côte offrent au regardeur la possibilité d’élargir ses connaissances sur le peintre, son style, ses thèmes et ... ses errances. Les deux tableaux datent des dernières années de Caravage (1571-1610), lorsqu’il fuit Rome pour Naples en mai 1606, après avoir occis d’un malheureux coup d’épée un aristocrate romain, mais garde néanmoins ses commanditaires.
La Flagellation rouennaise acquise par le musée en 1955 est encore attribuée à Mattia Preti, peintre baroque italien né trois ans après la mort de Caravage. Ce sera l’historien de l’art Roberto Longhi qui, rapprochant le tableau de deux copies dans des collections suisse et italienne, authentifiera quelques années plus tard le véritable auteur de ce tableau.

La comparaison entre les deux toiles est passionnante. L’œuvre de Rouen est d’un format horizontal, les trois figures (le Christ et ses deux bourreaux) présentées à mi-corps. Le Christ est tourné vers la source de lumière hors-champ, le regard serein fixé sur ce que le conservateur suggère pourrait être Dieu le Père. Les deux bourreaux ne semblent prendre aucun plaisir à leur tâche, celui au centre semble intrigué : cherche-t-il à voir ce que voit le Christ ? Un contraste flagrant entre ce tableau, dont la dynamique porte vers l’invisible et la version napolitaine, peinte pour une église, où les quatre personnages sont dépeints en pied (mains et pieds des bourreaux s’entremêlant au sol avec les pieds du Christ), les trois bourreaux tournés vers celui qu’ils vont torturer, exsudant une violence soulignée par la non moins violente lumière frontale sur le corps du futur crucifié.

Cette salle recèle aussi quelques œuvres à rapprocher de ces deux tableaux : une Flagellation, c. 1590 de Carrache du musée de Douai, un Martyre de Saint Sébastien, 1610 ? de Louis Finson, peintre flamand qui collabore avec Caravage et fait des copies de ses œuvres. Un Martyre qui pourrait être pris pour une version de la flagellation si, en regardant bien, on n’y découvrait l’attribut du saint, une flèche ! Et il ne faut pas manquer de s’arrêter sur le bas-relief de Baccio Bandinelli, Flagellation, 1532, belle étude de nus antiques figés dans une forme de ballet qui atténue la violence de la scène.
Une seconde salle offre un survol des techniques de laboratoire (spectrographie, radiographie, etc.) utilisées par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France sur la Flagellation rouennaise. On découvre ainsi ce que l’on ne peut distinguer à l’œil nu : les touches de peinture, les changements dans la composition, les ébauches, la composition des pigments.

Elisabeth Hopkins

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 28 octobre 2022 au 27 février 2023
Musée des Beaux-Arts
Esplanade Marcel-Duchamp
76000 Rouen
Fermé le mardi
Les autres jours, de 10h à 18h
Entrée gratuite
www.mbarouen.fr


Visuels : Vue de l’exposition : Caravage, La flagellation du Christ, 1607. © Museo e Real Bosco di Capodimonte, Naples (à gauche). Et Caravage, La Flagellation du Christ à la colonne, vers 1607. Huile sur toile. © Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie, Musée des Beaux-Arts (à droite).