Cheuva, Chantal - Sculpteur

Chantal Cheuva dans son atelier

Chantal Cheuva dans son atelier

Les Confidentes

Les Confidentes

Les Assises

Les Assises

Les Assises

Les Assises

Pied. Série FEM

Pied. Série FEM

Genèse

Genèse

La Nichée - Série Les Têtes

La Nichée - Série Les Têtes

Chantal Cheuva dans son atelier

Chantal Cheuva dans son atelier

Les Esseulées

Les Esseulées

Esseulées

Esseulées

Expo FEM à St Amand, 2020

Expo FEM à St Amand, 2020

Chantal Cheuva a fait de la vie des femmes sa principale source d’inspiration, transmettant son énergie et sa propre humanité à ses sculptures de bronze. Une œuvre expressionniste, singulière et poignante.

Elles sont seules, ou à plusieurs, comme ce trio se faisant des confidences. On perçoit dans l’enlacement chaleureux qui les attache les unes aux autres une grande intensité de l’écoute, des émotions intimement partagées, du réconfort apporté, une sororité bienveillante. Avec leurs silhouettes longilignes exprimant à la fois fragilité et force, leurs pieds démesurés comme pour mieux s’ancrer dans la vie, toutes les femmes de Chantal Cheuva sont « en marche » vers leur destin. « Seules, mais toutes ensemble ».

Ces femmes sculptées racontent des étapes de vie –adolescence, maternité, vieillesse – et traduisent des états, des sentiments, des expériences émotives : amour, soumission, insouciance, tristesse, peur, joie, exclusion, espoir… « Je vampirise les émotions des autres et je sculpte ce que je ressens, en quête de l’intériorité des êtres ». Avec une gestuelle rapide, sans se préoccuper d’exactitude morphologique, d’esthétisme, l’artiste malaxe la terre avec jouissance, puis esquisse une silhouette, étire les jambes, les pieds, les mains avec maniérisme pour magnifier le mouvement, imprime ses pouces dans la colonne vertébrale, sans rien lisser, avec l’urgence de trouver « sa vérité » du corps, nous faisant partager ses sentiments par son expressionnisme plastique, témoin de ses engagements. Si les corps sont taillés à vif, les visages sont plus apaisés.

Influencée par Alberto Giacometti et Germaine Richier, Chantal Cheuva évoque aussi son admiration pour Louise Bourgeois qui a su traduire sans complaisance ce qu’elle voulait dire, ou encore Eugène Dodeigne qu’elle a eu la chance de connaître et dont elle aime la force de l’œuvre à l’état brut.
Sujet universel et inépuisable, sans cesse revisité au fil des siècles, la figure de la femme parcourt toute l’œuvre de Chantal Cheuva. Des femmes dans toutes les postures. Des femmes seules ou en interactions les unes avec les autres, comme ces émouvantes esseulées, serrées côte à côte sur un long bois évoquant une pirogue de fortune, leurs jambes se balançant dans le vide.
Demain, Chantal Cheuva sculptera peut-être des hommes, comme ces migrants dont elle aimerait témoigner de l’exclusion. Mais ce seront toujours des humains. Le seul animal réalisé est un petit oiseau qu’elle a posé sur une tête. Comme un supplément d’âme.

Si elle sculpte depuis quarante ans, cette artiste, formée aux Beaux-Arts de Lille et de Roubaix, n’expose que depuis une dizaine d’années et a détruit toute sa production antérieure. « Inutile de conserver ce qui n’est pas abouti. Il m’a fallu trente ans d’apprentissage ». Une exigence artistique qui force le respect. Dans l’univers clôt de son atelier de Mouvaux, dans les Hauts-de-France, elle modèle sans relâche des corps féminins, inspirés de moments de vie et d’émotions confiés ou glanés au fil de rencontres. Construisant ses structures de fer, ses moulages, sa cire, elle sait à chaque fois précisément où elle va, ayant « dessiné » mentalement l’œuvre à venir.

Tout en poursuivant ses séries (« collections ») sur les Femmes, alternant les thématiques -Déracinés, Assises, FEM (Femmes En Marche)-, elle explore de nouveaux matériaux, autre que le bronze, pour créer des sculptures de grands formats, rêvant de faire grandir ses petites femmes d’1,10 pour leur conférer une taille adulte. Toujours avec bienveillance et sensibilité. Et toujours avec le même plaisir de malaxer la terre pour faire surgir des corps en mouvement, transmettant son énergie et sa propre humanité à ses femmes de bronze.

Catherine Rigollet (juin 2020)
Photos : © Dominique Descamps