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Chicago, foyer d’art brut & Hey ! Modern Art & Pop Culture 4#

Double expo actuellement sur les deux niveaux de la Halle Saint Pierre, l’une consacrée à la scène artistique de Chicago, véritable foyer d’art brut, l’autre accueillant le quatrième volet du cycle “Hey ! Modern Art & Pop Culture” avec 36 artistes encore très peu montrés en France.

Comme toujours à la Halle, le foisonnement créatif est là, l’excès d’œuvres aussi jusqu’à faire naître un sentiment d’oppression, augmenté par leur puissance émotionnelle, leur caractère insolite et le plus souvent obsessionnel, le mal-être qui transpire, parfois la violence sous-jacente. La lecture de la biographie de chacun des artistes révèle des vies qui sortent de l’ordinaire, souvent cabossées, voire empreinte de dramaturgie. Mais que de stupéfiantes découvertes à chaque fois et combien de talents bruts révélés !

Au rez-de-chaussée de la Halle, cap sur Chicago et sur une dizaine d’artistes, sélectionnés par INTUIT, musée de Chicago dédié à l’art outsider et intuitif. Il y a notamment Wesley Willis et ses compilations de gratte-ciels au stylo à bille. Mr. Imagination et ses séries de masques, trônes et totems décorés de milliers de capsules de bière. Dr. Charles Smith et ses sculptures en hommage aux plus de 7000 Africains-Américains morts pendant la guerre du Vietnam. Henry Darger et ses aquarelles représentant des scènes de rapt au lasso de fillettes, au sexe parfois masculin, finissant étranglées par des serpents ou par un barbu sauvage. Darger, envoyé à sept ans par son père dans un foyer où règne violence et brimade, fut ensuite placé dans une institution pour handicapés mentaux dont il s’enfuira à l’âge de 17 ans, après la mort de son père, apprend-on… Son œuvre graphique, aussi colossale que troublante, fut découverte après sa mort avec une autobiographie de 2000 pages et une fiction dactylographiée de plus de 15 000 pages (Le royaume de l’irréel). « À part Henry Darger, le reclus dont l’œuvre épique et délirante fut construite clandestinement, les artistes étaient en lien avec la scène artistique et interagissaient de façon individuelle avec les écoles d’art, les galeries et les collectionneurs », souligne Martine Lusardy, Directrice de la Halle Saint Pierre et Commissaire de l’exposition.

Hey ! Modern Art & Pop culture 4#

À l’étage, on accède à la quatrième édition de “Hey ! Modern Art & Pop Culture”, sous le commissariat de Anne & Julien. L’Exposition continue de prospecter et faire connaitre la scène artistique alternative en révélant de « nouveaux » artistes de « l’outsider pop », courant artistique encore très peu montré en France. Peinture, sculpture, photographie, dessin, bande dessinée, création numérique, orfèvrerie, assemblages, sculptures…Si les médiums sont aussi divers que les thématiques et les sources d’inspiration, si à la différence des artistes de l’art bru, la plupart des 36 artistes issus de 17 pays exposés ici ont suivi une formation artistique, tous s’expriment par la figuration et de manière sérielle. Dans cette foisonnante galerie, citons le duo de Belges Mothmeister et leurs inquiétants et grotesques personnages masqués portant à réfléchir sur l’aspect politique et social de l’anonymat. Le fabuleux travail graphique de la française Mad Meg, une artiste également théoricienne d’un féminisme radical qui revisite les tableaux fondateurs de la culture académique occidentale, comme sa grande fresque Feast of Fools (2008-2010), La Cène de Léonard de Vinci, détournée et provocatrice avec ces personnages aux têtes d’insectes dévoreurs de victuailles. Les petites vitrines construites comme des mini cabinets de curiosités du thaïlandais Quan Wansanit Deslouis ; des assemblages d’os d’animaux, de papillons et autres insectes symbolisant des comportements humains, comme la cupidité ou l’adultère.
On ne manquera pas les mosaïques baroques de la française Séverine Gambier. Influencée par l’art singulier d’un Wölfli ou d’une Aloïse Corbaz, elle réalise, avec la patience d’une Pénélope rêvant du retour de son Ulysse, de minutieux et complexes tableaux constitués de milliers de bris d’assiettes de porcelaine et faïence du XIXe siècle. Des sortes d’icônes, ou d’ex-voto, peuplés de figures humaines et de symboles, dont les titres révèlent l’âme d’une Mater dolorosa : Larmes au point ; Entravé ; La Mort viendra, elle aura tes yeux ; Inconsolé ; Ogres ; Trop tard les roses ; Les Ailes des Désirs…Un journal intime ? Une pulsion vitale en tout cas.

Catherine Rigollet

Visuels : Henry Darger, Sans titre 1940-1950 (détail). Graphite, charbon, aquarelle et crayon sur papier. Collection Robert A. Roth. Charles Smith, Sans titre, vers 1990. Collection de Jim Zanzi. Béton, peinture et technique mixte. Mad Meg, Feast of Fools, 2008-2010 (détail). Encre de Chine sur papier. Collection de l’artiste. Séverine Gambier, Larmes au point, 2015. Assiettes de porcelaine et faïence, pâte de verre italienne, support bois, résine, colle et patine. Collection de l’artiste. Photos : L’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 23 mars au 2 août 2019
Halle Saint Pierre
2, rue Ronsard, 75018
Tous les jours, de 11h à 18h
Samedi de 11h à 19h
Dimanche de 12h à 18h
Tarif plein : 9 €
www.hallesaintpierre.org