Avec sa centaine de sculptures à voir en plein air dans un site provençal de vignes et d’oliviers où les moines-soldats de l’ordre des Templiers avaient établi leurs quartiers vers 1204, comment résister aux charmes de la Commanderie de Peyrassol ? Il faut ajouter qu’en ce mois de mai où nous découvrons le domaine, il fait beau, la chaleur n’est pas encore écrasante et il n’y a qu’une dizaine de visiteurs…Si Peyrassol est d’abord un vaste vignoble de 90 hectares combinant de nombreux cépages pour de complexes assemblages, c’est devenu aussi un lieu dédié à la création artistique depuis son acquisition par Philippe Austruy, en 2001.
Sa collection d’une centaine de sculptures contemporaines se découvre au fil de la petite route de trois kilomètres qui sillonne les vignes jusqu’au cœur du domaine, puis tout autour des bâtiments de la Commanderie et jusque dans les sous-bois. Commencez la visite en passant devant les trente-cinq drapeaux formant un damier flottant arc-en-ciel de Daniel Buren et empruntez le petit sentier qui serpente sous les arbres. Soixante sculptures, monumentales le plus souvent, s’y cachent, signées Joana Vasconcelos, Franco Adami, Jean Tinguely, Bertrand Lavier, Bernar Venet, Catherine François, Pascal Marthine Tayou, Antony Gormley, Antoni Tapies, Gloria Friedman, Jaume Plensa, Lee Ufan, Jean-Michel Folon, Kendell Geers, César, Pol Bury, Ugo Rondinone, Richard Long, Victor Vasarely, etc. Une collection qui s’enrichit chaque année.
Peyrassol abrite aussi un centre d’art contemporain, entouré là encore de sculptures en plein air, et qui présente des œuvres de la collection ainsi que des expositions temporaires dans une architecture très réussie, parfaite symbiose entre des murs de pierres séculaires, du verre et de l’acier corten. Un havre de sérénité où se mêlent citronniers, muriers, chênes, bassins d’eau et sculptures. Après sa faim d’art, le visiteur trouvera aussi à contenter celle plus prosaïque du ventre chez Jeannette face aux vignes ou au Bistrot de Lou sous les mûriers, avant de repasser par la boutique XXL de la Commanderie qui expose ses bouteilles de vin comme des œuvres d’art.
Catherine Rigollet
ACTUALITÉ 2022 DES EXPOSITIONS AU CENTRE D’ART DE PEYRASSOL : DU 1er AVRIL AU 1er NOVEMBRE 2022
« Face au temps. Regards croisés sur les collections de Philippe Austruy et de la galerie De Jonckheere ».
L’exposition Face au temps rassemble une quarantaine d’œuvres, issues de ces deux grandes collections privées, spécialisées dans l’art contemporain pour l’une et l’art flamand pour l’autre. Les œuvres de La Collection Philippe Austruy y dialoguent avec une vingtaine de tableaux flamands (XVe au XVIIe siècle) dans une série de rapprochements pour le moins insolites, qui n’ont pas pour ambition de confronter des œuvres, mais de nous inciter à les regarder autrement, de comprendre comment un même thème peut-être traité de manière différente selon les époques, d’ouvrir des dialogues. Tel ce dialogue sur le paysage avec Printemps, été automne (2021) d’Etel Adnan face à Paysage d’hiver avec patineurs (XVIIe siècle) de Pieter Brueghel le jeune. Celui sur la transparence entre Circle Blue Green (1972-2019) de Dewain Valentine face à la Marie-Madeleine en reine Artémise (vers 1560) de Pieter Pourbus. Ou encore le dialogue sur la mort et l’au-delà entre Gilgamesh, qui se refuse à mourir (2016) d’Anish Kapoor et le Christ aux limbes, oeuvre d’un suiveur de Bosch (XVIe siècle).
« Michelangeto Pistoletto : la mise à nu de la société ».
Cette exposition, organisée en partenariat avec la Galleria Continua, réunit un ensemble d’œuvres de la récente série Messanudo de Michelangelo Pistoletto (né en 1933 à Biella, en Italie), figure majeure de l’Arte Povera et spécialiste de l’art du miroir. Son humanité en costumes d’Adam et Eve est la même qui, habillée, se divise et s’éloigne par peur des différences. Fidèle à son regard intransigeant, l’artiste poursuit son travail sur le miroir et sa capacité à refléter les bouleversements du monde. Le rôle du spectateur est essentiel ; son reflet dans tous les miroirs faisant vivre l’œuvre.
Visuels : Joana Vasconcelos, Senhor Vinhor, 2018. Fer forgé.
Vue du vignoble et du Damier flottant arc-en-ciel de Daniel Buren, 2016
Pascal Marthine Tayou, Colonne Coloniale, vases marocains, 2021.
Douglas White, Black Palm, 2016. Pneus.
Photos © L’Agora des Arts.