Vous consultez une archive !

Dans l’atelier : L’artiste photographié d’Ingres à Jeff Koons

Presque un voyage initiatique. Une exposition foisonnante et passionnante ! En 400 photographies et quelques peintures et vidéos présentées en un accrochage thématique, vous pénétrez sans effraction dans le royaume sacré de la création picturale, en présence des artistes, ou en leur absence, en noir et blanc au 19e siècle, ou en couleur par la suite.

À l’entrée, six grandes photos de studios d’artistes contemporains. On s’amuse à en deviner les occupants avant de lire les cartels. Des œuvres pour indice (Kapoor, Elsworth Kelly dont l’atelier est aussi clean et minimaliste que ses œuvres, Barceló) ou des traces de couleur. Dans cet atelier, trop de traces de noir pour que ce ne soit pas celui de Soulages. Gagné !

Dans la deuxième moitié du 19e siècle, Edmond Benard, spécialiste des ateliers d’artiste, photographie nombre de peintres aux noms inconnus (de l’auteure de ces lignes) : Cornillier, Rochegrosse, Aublet et Ralli, entre autres. Ateliers lourdement décorés et encombrés, où les seuls attributs du peintre sont son chevalet et son tabouret et éventuellement quelques toiles. Son geste suspendu, son regard qui se détourne de l’intrus pour se concentrer sur la toile, son corps en tension, ses objets familiers, ses toiles terminées ou en progrès, tout est scruté discrètement par le photographe et partagé avec le spectateur.

Les portraits des artistes les plus connus, comme Courbet, au format carte (de visite) se vendent comme des petits pains dans les années 1850. Un siècle plus tard, la photographie reportage prend la relève et les petits secrets de l’atelier et de l’artiste se révèlent en pleine page couleur dans les magazines, signés Gérard Rondeau ou Albert Harlingue. Certaines célébrités de l’objectif s’attachent également aux grands noms de l’art, qui posent, crâneurs ou discrets, devant leur œuvre. Doisneau capture Dubuffet et Braque. Cartier-Bresson saisit Robert Rauschenberg en pleine action (1968). Quant à Annie Leibovitz, pour Vanity Fair, elle offre une nudité de Jeff Koons dans son gymnase : l’artiste disparait au profit de la personnalité médiatisée et racoleuse (aurait-on d’ailleurs pu parler d’atelier ou de studio pour cet artiste qui gère plutôt une petite entreprise).

Plus indiscret encore, l’œil de la caméra se pose sur les modèles (nus et féminins le plus souvent) ou les objets (ceux de Cézanne ou ceux de Morandi, déjà disposés, faisant de la photographie de Luigi Ghirri une émule du tableau à venir), ou encore les animaux familiers. Enfin, c’est le studio lui-même qui est érigé en symbole par les photographes. Qui ne connaît la formidable photo du foutoir dans l’atelier de Francis Bacon ? Ses 7 500 pièces ont été redisposées à l’identique à Dublin.

Rares sont les expositions où l’on pénètre aussi loin dans les intimités ! Et quelles intimités, celles de Monet, de Cézanne, de Picasso, de Louise Bourgeois, de Rebeyrolle et de tant d’autres. Précipitez-vous !

Elisabeth Hopkins

 

 Catalogue, 304 pages, 24 x 30 cm, relié, 300 illustrations couleur, éditions Paris Musées, 49.90€.

Visuels page expo : Charles Matton, L’Atelier de Francis Bacon, 1986. Boîte (matériaux divers). Collection particulière. Photo Charles Matton © Adagp, Paris 2016.
Gérard Rondeau, Paul Rebeyrolle dans son atelier à Boudreville, 1988. Tirage gélatino-argentique. Chassins, collection Gérard Rondeau ©Gérard Rondeau.
André Villers, La Palette de Picasso, 1955. Tirage gélatino-argentique. Coll. Bibliothèque Nationale de France. Photo © André Villers, Adagp, Paris 2016 / © Succession Picasso.
Visuel page d’accueil : William Elborne, Camille Claudel et Jessie Lipscomb dans leur atelier, 117 de la rue Notre-Dame-des-Champs à Paris, 1887 (détail). Tirage gélatino-argentique. Paris, musée Rodin © Musée Rodin, Paris / William Elborne.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 5 avril au 17 juillet 2016
Petit Palais
Avenue Winston Churchill - 75008 Paris
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h
Fermé le 1er mai et le 14 juillet
Tarif plein : 10€
www.petitpalais.paris.fr