Corne, Eric - Peintre

Eric Corne dans son atelier

Eric Corne dans son atelier

Le Contre-ciel

Le Contre-ciel

Eran las cinco en sombra de la tarde

Eran las cinco en sombra de la tarde

Le silence des lumières

Le silence des lumières

Les lumières de l’autodafé

Les lumières de l’autodafé

Les lumières du naufrage

Les lumières du naufrage

Les sept marguerites

Les sept marguerites

Peinture analogue 1

Peinture analogue 1

Peinture analogue 3

Peinture analogue 3

Somnium et insomnium

Somnium et insomnium

Une peinture qui parle

Le peintre et sa muse, une palette, un pinceau, un bouquet de fleurs, un squelette, un cerf-volant, un chien, un pont, une falaise, des bougies, des livres, etc. La peinture d’Eric Corne n’est pas une poésie muette. « Mes toiles parlent beaucoup. Il ne leur manque que la parole, comme les chiens », confesse Eric Corne en glissant un regard plein d’affection à sa chienne, omniprésente dans sa peinture et qui comme Argos attendant patiemment le retour de son maître Ulysse, symbolise la fidélité et l’amour.

Mais si la peinture d’Eric Corne parle, il faut l’écouter attentivement car chaque chose présente de manière récurrente dans les toiles de l’artiste peut être double ou triple.
Ainsi, la palette du peintre peut être aussi cœur ou visage, devenant alors un véritable paysage anthropomorphe comme se plaisait déjà à le faire Joaquim Platinir au XVe siècle en peignant ses rochers. Le pinceau est pénis (Le Silence des lumières, 2015) ou poignard tuant l’artiste. Le bouquet de fleurs c’est la vie, mais aussi sa fragilité et la fuite du temps (Eran las cinco en sombra de la tarde, 2016-2017). La fenêtre c’est l’intérieur et l’extérieur. Le livre est connaissance, vanité de cette connaissance, mais aussi tente-abri (Peinture analogue 3, 2017), ou interdit…jusqu’à l’autodafé. Le pont est passage, mais aussi rupture quand il est coupé. Le navire est voyage, et naufrage (Les lumières du naufrage, 2015). La lune et le soleil sont des astres, mais aussi source de lumière, comme l’ampoule ou la bougie. Les tubes de peinture sont couleurs, mais nous apparaissent parfois comme des cierges mortuaires ou de sinistres blattes grouillant autour du peintre (Les lumières de l’autodafé à Umberto D., 2016-2017). Un peintre au cœur de chaque toile, en lutte permanente avec sa peinture, jusqu’à se représenter avec des gants de boxe (Le Contre-ciel, 2015-2017), mais jamais dupe face à la vanité, se portraiturant aussi en clown avec de grandes chaussures rouges.

La peinture d’Eric Corne est intranquille. On serait tenté de dire forcément, puisqu’elle parle de la vie, et donc de la mort. Et elle parle au spectateur que nous sommes, nous invitant à décrypter l’image tel un texte bourré de symboles, de références à la vie intime de l’artiste, à l’histoire, à l’art, à la littérature ou encore à la poésie, comme l’évoque les noms que le peintre donne aux bateaux peints : Victor Hugo, Garcia Lorca...

Mythologie, vanité, nu, nature morte, portrait, paysage, etc. Tous les archétypes de la peinture intéressent Eric Corne et sont au cœur de son œuvre. Œuvre qui se construit depuis son enfance dans la Somme où il dessinait sans cesse. Même durant ses années de médecine il continue de dessiner et de penser peinture, à tel point qui comprend sa méprise, bifurque vers les Beaux-Arts à Amiens et à Tourcoing, puis les Arts Déco à Paris, cède à sa « boulimie de peinture », se nourrit de celle des autres : Piero Della Francesca, Patinir, Poussin, Goya, Munch, les expressionnistes allemands, mais encore Bacon, Eugène Leroy, David Hockney, où encore Philip Guston. Autant de figures tutélaires.

Après une douloureuse période de doute, ses nombreux voyages, et particulièrement ceux au Brésil, l’ont complètement envahi et la peinture brésilienne lui a redonné le désir et l’envie. Depuis 2007, sa peinture exulte. Une peinture aux compositions denses, très construites, fourmillant de détails, puissamment colorées. Une peinture couchée à l’huile sur des fonds de toile bruns, fluide au départ puis se densifiant en matière au fur et à mesure que le peintre converse avec son tableau, très longuement, parfois durant une année. Pour donner le temps à cet artiste tourmenté de se libérer, de se mettre à nu, de créer sur sa palette les couleurs qu’il voit dans sa tête, de faire surgir avec son pinceau non pas l’image réaliste des choses (arbre, fleur ou homme), mais l’idée et le sentiment de ces choses, de combiner les éléments de langage de sa peinture, de trouver la meilleure syntaxe pour exprimer sa pensée. « Je dialogue avec la peinture. Je lui fais confiance…et à moi aussi ».

Catherine Rigollet (nov-déc 2017)
Portraits d’Eric Corne : photo Lionel Pagès © L’Agora des arts
Photos des œuvres : courtesy galerie Patricia Dorfmann