Célèbre pour ses fresques, la galerie Farnèse peinte à Rome à l’aube du XVIIe siècle par les frères Carrache, l’est aussi pour les dessins préparatoires qui ont tout autant suscité l’admiration. Le musée du Louvre la reconstitue dans une exposition d’une belle scénographie immersive.
Au cœur du palais Farnèse à Rome (siège de l’ambassade de France en Italie depuis 1874 et de l’École française de Rome depuis 1875), un des plus beaux et des plus importants édifices de Rome, la galerie Farnèse est célèbre pour ses fresques peintes entre 1597 et 1608 par Annibale Carracci (1560-1609) originaire de Bologne, épaulé par son frère Agostino (1557-1602) et des élèves de leur atelier tels Giovanni Lanfranco, Francesco Albani ou le Dominiquin.
Voutée en berceau, longue de 20 mètres sur 6, la galerie est un spectaculaire trompe-l’œil de sculptures, d’architectures et de personnages des Métamorphoses d’Ovide qui semblent sortir du plafond, comme ceux du centre de la voute occupé par Le triomphe de Bacchus et d’Ariane. Commandées à Annibale Carracci par le jeune Odoardo Farnèse, ces fresques avec ses récits de héros mythologiques et de dieux amoureux et jaloux entendent constituer un « miroir des vertus » du prince idéal.
Chaque fresque est précédée de dessins préparatoires dans des compositions avec ces trompe-l’œil qu’Annibale a admirés dans la chapelle Sixtine peinte par Michel-Ange, et qui font une bonne place aux paysages de collines et d’arbres en arrière plan. Las de la préciosité du maniériste qui exagère les formes, l’artiste prône un retour à des modèles plus proches de la réalité en s’inspirant des modèles vivants. Il vise à s’écarter de tout risque d’artificialité, à tendre vers une beauté classique, simple et harmonieuse, presque idéalisée ; à la différence de son contemporain l’impétueux Caravage (1571-1610), adepte d’une sincérité sans compromis quitte à bousculer le spectateur. Une véracité du rendu anatomique, un pinceau doux, des coloris subtils qui fait dire à la critique que le jeune bolonais est un nouveau Raphaël (1483-1520).
La séduction de la galerie Farnèse est telle que Louis XIV exige la même pour la galerie des Ambassadeurs dans son palais des Tuileries. Plusieurs peintres sont missionnés à Rome pour réaliser des copies des fresques grandeur nature, désormais seuls vestiges depuis l’incendie du palais des Tuileries en 1871.
Avec sa « reconstitution » de la galerie, accompagnée d’un ensemble de ces très grands cartons dessinés pour le roi de France et de nombreux dessins préparatoires (du croquis rapide au grand carton) de la main des frères Carrache, le Louvre (qui conserve la première collection au monde, avec les Collections royales britanniques, dont 25 œuvres sont prêtées pour l’exposition par Sa Majesté le Roi à partir de la collection royale), nous donne un bel aperçu de leur art. Le parcours accueille aussi une reconstitution du Camerino, l’antichambre de la galerie, confiée à Annibale par Odoardo Farnèse comme galop d’essai ; où déjà son génie surgit dans la composition et le naturalisme puissant.
Restaurée de 2014 à 2015, la galerie Farnèse qui a retrouvé la luminosité de ses fresques et l’illusion parfaite de ses trompe-l’œil, a révélé de nombreux dessins et inscriptions sur ses parois (signatures, dates, dessins, portraits, esquisses d’après les fresques de la galerie) que l’exposition restitue également. Elle présente aussi des dessins réalisés par les frères Carrache durant leur séjour à Rome : paysages, études botaniques, portraits et même des caricatures témoignant d’un certain humour potache tel ce putto déféquant sur un autel. Deux autoportraits présumés d’Annibale et Agostino d’une incroyable ressemblance referment le parcours conçu par Victor Hundsbuckler, conservateur au département des Arts graphiques. D’une grande proximité de vie et de style, les frères Carrache ont collaboré jusqu’en 1600, date à laquelle Agostino qui était venu épauler son frère le quitte (on évoque une brouille entre eux), il décèdera deux ans plus tard sans avoir revu son frère. Annibale, épuisé et rendu quasi fou par la tâche, comme il semble s’en être confié à la fin du chantier dans un dessin d’une figure seule et mélancolique, ne peindra presque plus après ce chef-d’œuvre, et meurt en 1609.
Catherine Rigollet












