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Devenir Matisse. Les 20 premières années de créativité du porte-drapeau des Fauves

L’histoire de l’art ne peut que s’en réjouir : né dans un monde de tisserands du Nord de la France, Henri Matisse (1869-1954) se refuse à suivre la carrière de son père, grainetier, se lance dans le droit et devient clerc de notaire. Lors de sa convalescence à la suite d’une appendicite, il découvre les boîtes de couleurs et depuis “n’a plus [...] que la peinture en tête”. Il consacre d’ailleurs ses heures libres à une formation par des dessinateurs de textile. Tournant la page du notariat, il part pour Paris et fréquente plusieurs ateliers dont celui de Bouguereau puis de Gustave Moreau, qui reconnait en lui un véritable talent. Il s’essaie aux diverses techniques, dessin, peinture, sculpture, en les faisant dialoguer. C’est l’époque de ses académies sur toile ou papier, tel ce Nu debout, 1892, mais elles ne lui permettront pas de rentrer aux Beaux-Arts. De Moreau, il suit deux conseils : “allez dans la rue !” et “copiez au Louvre !”.

Le premier, il met en pratique avec Marquet et dessine à la volée. Au Louvre, il dessine beaucoup et copie des natures mortes, comme La Raie de Chardin et se lance dans une première figure en copiant le même artiste (La Pourvoyeuse, d’après Chardin, 1896-1903). Ces copies sont le fondement de son œuvre, mais il les transcendera en les modernisant, comme le montrent, trois toiles accrochées dans le même espace : La desserte, 1640 de Jan Davidsz de Heem, sa copie traditionnellement peinte en 1893 dans les tonalités sombres, puis réinterprétée, des années plus tard, dans une palette plus vivement colorée et des formes simplifiées (Nature morte d’après La Desserte de Jan Davidz De Heem, 1915).
Échec des ventes pourtant : ses copies manquent de la minutie des copies littérales des “mères, épouses et filles des gardiens” achetées par le Gouvernement.
Lors d’un séjour à Belle-Ile, vers 1896, il s’initie à la luminosité des couleurs primaires, mais c’est à partir de son séjour à Collioure avec Derain, presque dix ans plus tard, qu’il peint, en s’affranchissant du dessin, avec des surfaces de couleurs pures (Collioure, rue au soleil, 1905). Un pas de géant vers ses œuvres futures colorées et épurées. Il exposera un portrait de femme à ce Salon d’Automne de 1905 où lui et ses amis deviennent des “fauves” aux yeux du critique Louis Vauxcelles.

En 1908, il fonde son Académie au sein de son atelier. On peut voir des œuvres de ceux à qui il transmit son expérience pendant trois ans, avant de la fermer en 1911. Là s’arrête cette exposition passionnante qui offre également en regard de ce Matisse en quête de son style, les œuvres de peintres qu’il côtoyait et admirait : Picasso, Derain, Manguin, ou Monet à Belle-Île, pour n’en citer que quelques-uns.

Bravo à Patrice Deparpe, directeur du Musée Matisse et commissaire de l’exposition, qui nous fait allègrement naviguer dans ces 20 premières années de créativité d’Henri Matisse, avec ses incertitudes, ses révélations, et ses échecs commerciaux qui ont précédé la grande époque matissienne qui nous est plus familière. Il a pu réunir sur les cimaises, prêtées par les grandes institutions ou par la nombreuse descendance de Matisse, environ 250 œuvres, dont environ 90 venues des États-Unis.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Henri Matisse, Études d’antiques 3 nus, 1907-1908. Crayon sur papier, 18.4 x 21.1 cm. Coll particulière © Photo Ted Dillard © Succession H. Matisse.
Henri Matisse, Nature morte, d’après « La Desserte » de Jan Davidsz De Heem, 1915. Huile sur toile, 180,9 x 220,8 cm. The Museum of Modern Art, New York. © archives Matisse © Succession H. Matisse / Artists Rights Society (ARS).

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 9 novembre 2019 au 9 février 2020
Musée départemental Matisse
Palais Fénelon
Place du Commandant Richez
59360 Le Cateau-Cambrésis
Ouvert tous les jours, sauf le mardi
De 10h à 18h
Entrée : 8 €
Gratuit le 1er dimanche du mois
http://museematisse.fr


Catalogue couvrant les 20 premières années de la carrière de l’artiste. 368 pages. Nombreuses illustrations. En français et anglais. Ed. SilvanaEditoriale. 45 €.