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Alfred Courmes : le joyeux provocateur

Provocateur comme son ami peintre Clovis Trouille qui faisait du refus de la norme une revendication, Alfred Courmes (1898-1993) a développé une peinture très originale à contre-courant des modes, satirique et anticléricale, bravant tabous et croyances. Né à Bormes-les-Mimosas, installé à Paris à partir de 1925, cet ancien élève de Roger de la Fresnaye s’est imprégné des œuvres d’Ensor, de Permeke, mais aussi de Brueghel et de Van Eyck lors de ses séjours en Belgique. Son art va dorénavant s’inspirer de l’iconographie chrétienne (Christ en croix, saint Sébastien, saint Antoine), de la mythologie gréco-romaine (Sphinge, Minotaure) auxquelles il va associer la publicité contemporaine (chocolat Menier, Bibendum) dans des interprétations très personnelles et des couleurs acidulées. Ce qui n’empêche pas ce contestataire farceur et iconoclaste, qui participe à l’Exposition surréaliste de Lille avec Magritte et son ami Clovis Trouille en 1946, de recevoir la même année la commande d’un retable pour l’église Notre-Dame-de-Pontmain à Bagnolet…qui une fois terminé, sera refusé par le curé du lieu…

Courmes va aller de surenchères en surenchères, comme ce saint Sébastien figurant sur un modèle de boîte de Camembert, ses flèches retirées par la petite fille du chocolat Menier. Le tableau sera exposé au Stedelijk Museum à Amsterdam et le peintre Bernard Rancillac en fera une contrefaçon. Les titres des toiles sont à l’unisson : Saint Sébastien aux fléchettes (1934), Dame journaliste bousculée par un personnage comique. Heureusement elle réussit à les lui écraser (1964), Oh ! combien tragique la plainte du roi Œdipe : j’ai mal occu…j’ai mal occupé ma jeunesse (1962). Courmes s’amuse visiblement. Le public est circonspecte quand il n’est pas outré.
À partir de 1957, Courmes expose régulièrement au salon de mai, en 1977 il est sur les cimaises du musée d’art moderne de la Ville de Paris et en 1980 au Centre George Pompidou. Des collectionneurs s’intéressent désormais à ce peintre provocateur qui expose de plus en plus souvent dans les galeries et les musées où sa figuration débridée et subversive attire l’attention. S’il fut longtemps incompris, surtout à l’époque de la toute-puissance de l’abstraction, s’il reste méprisé des milieux bienpensants, sa valeur est désormais reconnue et les milieux de l’art lui accordent même, par son appropriation de l’imagerie publicitaire, un rôle essentiel de précurseur du pop’art et de la figuration narrative.

La galerie Loevenbruck, qui représente le Fonds Alfred Courmes depuis 2019, expose dix tableaux et trois œuvres graphiques, datés de 1920 à 1983, dont La descente de croix (1920), Saint Sébastien et la sainte famille (1935), 45% B.A (1961), Judith danse devant Holopherne (1974) et Les Deux Larrons (1983). Publié à l’occasion de l’exposition, un catalogue (24 pages) rassemble un essai inédit de Christian Derouet sur Alfred Courmes et son œuvre, les reproductions de huit tableaux et œuvres graphiques exposées, une liste des œuvres de l’artiste conservées dans les collections publiques françaises, ainsi que deux photographies de Robert Doisneau, portrait du peintre dans son atelier parisien de la rue de Flandres en avril 1972.

Catherine Rigollet

Visuels : Alfred Courmes, 45% B. A., 1961. Huile sur toile, 162 × 130 cm. Collection particulière © ADAGP, Paris, 2022. Fonds Alfred Courmes. Photo Fabrice Gousset, courtesy galerie Loevenbruck, Paris.
Alfred Courmes, Les Deux Larrons, 1983. Huile sur toile, 162 x 130 cm. Courtesy galerie Loevenbruck, Paris.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 16 septembre au 5 novembre 2022
Galerie Loevenbruck
6, rue J. Callot 75006
Du mardi au samedi, 11h-19h
www.loevenbruck.com