Seul édifice classé Monument historique à Roubaix (en 1993), l’église Saint-Joseph (XIXe siècle), ce chef-d’œuvre du néogothique a rouvert en avril 2021 après six années de restauration et quelques aléas de chantier. Mais le résultat est à la hauteur de ce joyau des arts décoratifs.
Au XIXe siècle, Roubaix est en pleine expansion, et la construction d’un nouveau lieu de culte est acté par l’Église, sur un terrain mis à disposition par les Lefebvre, une famille d’industriels. Dédiée à saint Joseph, patron des menuisiers et des ouvriers, l’église est conçue par l’architecte belge, le baron Jean-Baptiste Bethune (1821-1894) à qui l’on doit aussi le couvent des Clarisses, toujours à Roubaix. La première pierre est posée le 6 août 1876 et l’église est consacrée le 10 novembre 1878. La grande sobriété de son extérieur aux briques rouges qui s’intègre aux maisons du quartier ouvrier de l’Alma, contraste avec la profusion et la polychromie de ses splendides décors intérieurs. Pas un m2 de mur qui ne soit ornementé.
Initialement, l’église a été livrée et consacrée sans mobilier, ni décor. C’est l’abbé Édouard Lesage, nommé curé de la paroisse Saint Joseph qui fait réaliser le décor peint intérieur peu après avoir fait agrandir les sacristies (1880) puis ajouter les chapelles des Fonds baptismaux et de Notre Dame de Lourdes (1887-1889). La réalisation des fresques est confiée en totalité au peintre hollandais Jan Willem Deumens (1843-1909), aidé de son fils Guillaume. La surface à peintre est immense, l’ouvrage est colossal s’étend sur une dizaine d’années. Mais le résultat est à la hauteur. On y trouve une profusion de motifs : des motifs textiles, des motifs floraux et géométriques d’inspiration médiévale, des imitations de tapisseries ornées de motifs Jacquards rappelant les liens entre la région et l’industrie textile locale, des scènes historiées, une procession de Saints et de Saintes sur fond d’or, des anges et une évocation de Saint-Joseph. Le pavement du cœur avec ses quatre mosaïques évoquant les instruments de travail du menuisier est lui aussi dédié à Joseph l’ouvrier. Tout comme le maître-autel, œuvre de Petrus Peeters. Les portes sont richement décorées de panneaux en haut-relief. La chaire en chêne comporte un ensemble de sculptures monumentales en bronze. Et une mini-grotte de Lourdes a même été reconstituée (comme à l’église Saint-Martin d’Amblainville – Oise - https://www.lagoradesarts.fr/-Eglise-Saint-Martin-d-Amblainv...).
Plusieurs maîtres verriers sont chargés des vitraux. L’atelier parisien de Claudius Lavergne réalise ceux du chœur (cinq hautes verrières de la Sainte Famille). Dans le transept, le vitrail du Rosaire, primé à l’exposition universelle de Paris en 1889, est l’œuvre de l’atelier anversois Stalins et Janssens. Il représente de bas en haut, trois mystères joyeux (Annonciation, Nativité et Jésus parmi les docteurs), trois mystères douloureux (Chemin de Croix, Descente de Croix et Mise au tombeau) et un mystère glorieux (l’Assomption de la Vierge). De la nef au cœur, défilent encore les saintes et saints les plus connus de France, les douze Apôtres, les Quatre Pères de l’Église…
Une tempête en 2007 avec d’importants dégâts sur les vitraux va faire prendre conscience de l’urgence à rénover l’église. Les travaux commencés en 2009 avec la restauration des vitraux par l’atelier Pierre Brouard, vont reprendre de 2014 à 2021. Tous les corps de métiers sont présents sur ce chantier total qui va de la toiture (le clocher a même été démonté) aux murs extérieurs, des décors peints intérieurs aux luminaires et à l’orgue Schyven (1902), également classé monument historique. Une restauration d’exception pour une architecture néogothique exceptionnelle.
Catherine Rigollet (avril 2021)
Photos : Anaïs Gadeau
