« Sur le bord de la rivière […], je me suis assise… ». Ces quelques mots empruntés au titre familier d’un roman brésilien, on a envie de les chanter en pénétrant dans la Salle des Gens d’Armes de la Conciergerie, longue de plus de 60m et vieille de plus de 7 siècles, où l’artiste ghanéen (né en 1944, il vit et travaille aujourd’hui au Nigeria) a agencé son installation.
Faisant écho aux deux bras de la Seine qui ceignent l’île de la Cité, El Anatsui a posé deux longs rubans de vidéo de plusieurs dizaines de mètres sur des traverses de bois. Ils répercutent, par le mouvement de longue houle du textile filmé, les chatoiements à la surface du fleuve (voir en cliquant sur le logo ci-dessous).
Un peu à l’écart, une haie de grosses roches aux formes et couleurs diverses permet de s’asseoir pour s’imprégner de la sérénité du lieu, de la fraîcheur de cette eau factice, de la stabilité de la roche. Six tapisseries de métal, aux murs ou dans les cheminées, ponctuent ces alignements de roches. Marque de fabrique de El Anatsui, elles sont ici bien discrètes, alors qu’on les a vues draper les façades de certains monuments européens, tels le Palais Fortuny de Venise ou la Royal Academy de Londres. Assemblages de lames de canettes de soda et de capsules de bouteilles d’alcool, aplaties, torsadées, écrasées ou évidées, « cousues » par des fils de métal, elles portent une mémoire coloniale (Castello Gin, Seaman’s vodka), un commentaire sur l’environnement et les déchets, tout en s’imposant comme œuvres d’art par leur fluidité textile et lumineuse.
En faisant appel aux cinq éléments : eau, vent, bois, métal et pierre, El Anatsui nous offre-t-il une méditation sur l’état, voire le futur de notre planète ? ou plus simplement l’occasion de jouir de sa beauté, dans un cadre exceptionnel. Au cœur de la ville, mais isolé de ses rumeurs, un moment de quiétude dont il ne faut pas se priver.
Elisabeth Hopkins
Visuels de l’exposition à la Conciergerie : © E.H
– C’est la première exposition personnelle en France d’El Anatsui dont on déjà pu voir les œuvres à Chaumont-sur-Loire en 2015. et en 2016 , ainsi que dans l’exposition Tissage - Tressage. Quand la sculpture défile à la Villa Datris à l’Isle-sur-la-Sorgue.
