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Emailler le verre à la Renaissance. Sur les traces des artistes verriers, entre Venise et France.

De la fin du Moyen Age au début du XVIIe siècle, les verriers de Murano règnent sur la production de verre en Europe et protègent leurs secrets de fabrication. Particulièrement celle des verres soufflés, émaillés et dorés qui nécessitent un savoir-faire remarquable dans la sélection des matériaux entrant dans leur composition, dans les paramètres de cuisson et dans le geste du verrier. La mise au point au milieu du XVe siècle d’un verre d’une qualité remarquable, parfaitement incolore, dénommé cristallo en référence au cristal de roche, contribue à faire de ce verre de Venise le summum du goût européen. Les navires vénitiens approvisionnent les marchands en coupes à pied, rafraichissoirs, verres à jambe, gobelets, assiettes, plats, gourdes de pèlerins pour une clientèle riche et raffinée. Des pièces de vaisselle qu’elle considère comme de véritables objets d’apparat. Elles sont dorées à la feuille puis émaillées de lignes de points ou vaguelettes, d’entrelacs, de motifs végétaux et floraux et même décorées d’armoiries ou de figures religieuses ou païennes : crucifixion, ange, portrait d’homme ou de femme, cavalier, putti chevauchant des dauphins ou ce Triomphe de la chasteté décorant un somptueux gobelet couvert sur pied ; une scène issue du manuscrit des Triomphes de Pétrarque enluminé par Apollonio di Giovanni et son atelier au milieu du XVe siècle…Des décors tous peints au pinceau, dans une riche polychromie où l’or et le bleu dominent.

Venise et la façon de Venise

À la Renaissance, dans la quarantaine de verreries de Murano qui abritent chacune un maître entouré de nombreux assistants, on travaille sans interruption, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et les fours ne s’éteignent jamais, neuf mois et demi d’affilée, de mi-octobre à fin juillet. L’été étant mis à profit pour écouler la production restée dans les entrepôts et réparer les fours. C’est aussi une période durant laquelle des verriers émigrent pour aller illégalement exercer ailleurs « à la façon de Venise », en France notamment. Car la production de Murano est économiquement très rentable et la tentation de la copier ou de la contrefaire est grande. Dès le début du XVIe siècle apparaissent des ateliers de verriers partout en Europe, notamment en France, s’employant à développer leur propre production à la façon de Venise. Au XIXe siècle, l’engouement se traduit par la fabrication de pièces historicistes (comme ce service néo-renaissant portant les armes de la reine Catherine de Médicis produit par le verrier français Brocard et dont la volonté de falsification ou pas reste un mystère), voire de faux.

L’exposition du musée national de la Renaissance permet d’admirer une sélection de 120 pièces issues de collections prestigieuses (musée du Louvre, musée national de la Renaissance, musée des Arts décoratifs de Paris, Victoria and Albert Museum, Corning Museum of Glass, Museo Vetrario de Murano...), et de s’initier aux secrets de fabrication du verre soufflé, doré et émaillé (ne pas manquer la vidéo en milieu du parcours). Si l’absence de date sur les cartels questionne le visiteur, il s’agit d’un parti pris des commissaires de l’exposition. Le propos est avant tout de signaler sur chaque pièce sa compatibilité -ou non- avec les recettes vénitiennes de la Renaissance.
C’est cette approche inédite -et très fouillée- pour démêler le Vénitien de la façon de Venise qui constitue le deuxième intérêt de cette exposition née du fruit de longues années de recherche et d’une collaboration exceptionnelle entre le département des Objets d’art du musée du Louvre, le musée national de la Renaissance et le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) dans le cadre du projet Cristallo. Une passionnante exposition entre art, techniques et sciences.

Catherine Rigollet

 Présentée dans deux grandes salles au rez-de-chaussée du musée national de la Renaissance, « Émailler le verre à la Renaissance » offre l’opportunité de parcourir les appartements de ce beau château entouré d’une forêt et dominant la Plaine de France. Construit entre 1538 et 1550 pour Anne de Montmorency, connétable de France, qui souhaitait y accueillir le roi Henri II et la reine Catherine de Médicis, il est devenu musée national de la Renaissance en 1969 sous l’impulsion d’André Malraux. Sa prestigieuse collection d’objets d’art et de décors de la Renaissance comprend des chefs-d’œuvre, comme la collection de céramiques ottomanes d’Iznik, le banc d’orfèvre en marqueterie de l’Électeur de Saxe ou encore la tenture de David et Bethsabée composée de dix tapisseries.

Visuels : Coupe couverte sur pied : Le Triomphe de la Chasteté. Recettes vénitiennes de la Renaissance, fin XVe-début XVIe s. Verre cristallo bleu transparent, émaux polychromes, or. Dimensions : H. totale 27,8 ; D. max. 15 cm (et détail). Localisation : Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art. Numéro d’inventaire : OA 7564. Analysée au C2RMF. Crédits photographiques : ©RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux.
Gobelet sur pied : deux putti chevauchant des dauphins. Verre incolore, émaux polychromes, dorure. H. 19,3 cm. Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art. Vue de l’exposition : photo l’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 13 octobre 2021 au 14 février 2022
Musée national de la Renaissance
Château d’Ecouen (95)
Tous les jours, sauf le mardi
9h30-12h45 et 14h-17h15
Tarifs : 7€/5,5€
Gratuit pour les moins de 26 ans et tous les 1ers dimanches du mois
Tél. 01 34 38 38 50
www.musee-renaissance.fr