Familistère de Guise

Une utopie réalisée

Une immense cour minérale, trois imposants bâtiments en brique de quatre à cinq étages aux cours intérieures couvertes d’une large verrière, des lieux de vie collective (écoles, théâtre, buanderie-piscine, économats...), répartis sur des dizaines d’hectares de pelouses et de jardins traversés par l’Oise, vous êtes au Familistère de Guise, un « Palais social » construit au XIXe siècle par l’inventeur des poêles Godin.

Artisan serrurier de Thiérache devenu industriel, homme politique (il devient député de l’Aisne en 1871) Jean-Baptiste-André Godin (1817-1888) est nourri des idées de Saint Simon et influencé par la doctrine de Charles Fourier dans laquelle il voit « le moyen d’extirper la misère et la souffrance sans rien ôter à ceux qui jouissent ». S’inspirant du Phalanstère de Fourier, il bâtit à Guise, de 1859 à 1884, à proximité de son usine de fabrication de poêles en fonte de fer, une cité de 2000 habitants. Ce Familistère (néologisme formé d’après Phalanstère) est une habitation collective, une ambitieuse expérimentation de l’association du travail, du capital et du talent. Selon « Monsieur Godin » comme l’appelle avec respect les familistériens, le progrès économique dépend de l’innovation technologique et de la démocratie. Il applique dans son usine le travail à l’heure et à la tâche, des groupes d’études pour la qualité. Considérant que l’architecture doit satisfaire les besoins de l’homme moderne et soutenir la réforme sociale, son « palais social » met à disposition des ouvriers des logements spacieux et lumineux répartis sur trois « pavillons », des espaces communs générateurs de cohésion sociale avec services collectifs tels que crèche, écoles mixtes, magasins, cuisine collective, buanderie, piscine, théâtre, jardins potagers…Chacun y loge selon ses besoins et bénéficie des mêmes services. Tout le monde est locataire, y compris Godin.

« Le projet du Familistère n’est pas charitable ou philanthropique, Godin, pragmatique, a réuni là les conditions d’un régime mutualiste », précise Frédéric Panni, directeur et conservateur du Familistère. En 1877, un système de participation aux bénéfices est expérimenté. Et en 1880, une association coopérative est créée. Ses buts : l’appropriation du capital par les travailleurs et l’organisation de la solidarité entre ses membres. Rares sont les lieux d’utopie et encore moins nombreux ceux qui survivent. En 1968, face à la concurrence européenne, le régime coopératif est abandonné pour permettre la survie de l’entreprise. Le capital des coopérateurs est cédé à des actionnaires anonymes et une nouvelle société Godin S.A. est créée, propriété de la société Le Creuset, puis à partir de 1987 du groupe Cheminée Philippe.

Aujourd’hui, l’usine est toujours en activité et le Familistère encore habité. Depuis 2000, à l’initiative du Conseil général de l’Aisne, il bénéficie d’un vaste programme de travaux mixant la rénovation d’appartements pour maintenir sa vocation d’habitat collectif et l’aménagement d’espaces à caractère muséographique.
La grande cour centrale, point névralgique du Familistère, a retrouvé sa fonction d’espace partagé. Les anciens économats hébergent désormais la billetterie, la librairie-boutique et une buvette. La buanderie-piscine évoquent les théories d’hygiène et de santé physique prônées au Familistère. L’appartement du fondateur du Familistère accueille une exposition permanente consacrée à son parcours. Le théâtre à l’italienne bénéficie d’une programmation culturelle tout au long de l’année et les visiteurs peuvent assister à une courte représentation qui met en scène Godin...
Depuis le 31 mai 2014, le Pavillon central a inauguré de nouveaux espaces d’exposition subtilement aménagés par les architectes Catherine Frenak et Béatrice Jullien : appartements témoins de 1950 et 1968, coupe grandeur nature de l’architecture, maquettes d’autres « machines à habiter ensemble », selon l’expression de l’architecte Le Corbusier, tour du monde de quelques 200 expérimentations sociales radicales de 1800 à nos jours et pour finir témoignages sur la belle aventure sociale et industrielle du Familistère qui poursuit sa route, notamment avec la restauration d’œuvres de sa collection.

Catherine Rigollet

Photos : ©Familistère de Guise. Photographies Hugues Fontaine, Georges Fessy et D.R.

Pavillon central et aile droite

Pavillon central et aile droite

Buanderie du Familistère

Buanderie du Familistère

Usine Godin

Usine Godin

La « Nourricerie », 1889

La « Nourricerie », 1889

Bal de la fête de l’enfance, 1909

Bal de la fête de l'enfance, 1909

Portrait J-B-A. Godin, 1860

Portrait J-B-A. Godin, 1860

Vue du Familistère de Guise

Vue du Familistère de Guise

Théâtre et écoles

Théâtre et écoles

Cour du Pavillon central

Cour du Pavillon central

Buanderie-Piscine

Buanderie-Piscine
Infos pratiques

Familistère de Guise
02120 Guise (21km de St Quentin)
Visite libre (ou guidée), de 10h à 18h
Tous les jours du 1er mars au 31 octobre
Fermé le lundi, du 1er décembre au 31 janvier
Plein tarif : 10€
Tél. 03 23 61 35 36
https://www.familistere.com


 Le parcours de visite conduit de l’appartement de Godin au théâtre à l’italienne en passant par les économats, la buanderie-piscine, les appartements témoins et expositions temporaires et permanentes dans le Pavillon Central, le Jardin de la Presqu’île.