Pour nous aider à discerner le vrai du faux en art, monnaie, documents et informations – un vaste sujet-, les Archives nationales exposent une centaine de pièces dans un parcours au propos centré sur la France, bien ficelé, enrichi d’une quinzaine d’histoires aussi étonnantes que vraies et souvent romanesques aptes à séduire un large public et à l’aider à affuter son esprit critique.
En 1896, une tiare en or exposée au Louvre comme une véritable antiquité ayant appartenu au roi Saïtapharnès (3e siècle avant J.-C.) et acquise pour le prix faramineux de 200 000 francs, s’est révélée un an plus tard l’œuvre d’un orfèvre d’Odessa, l’ayant réalisée dans le style antique gréco-scythe à la demande d’un marchand. Une histoire qui associe comme à chaque fois trois figures clés : le faussaire, l’expert et le dupé. L’appât du gain est une motivation évidente du faux. Même si elle n’est pas unique. Et quoi de plus rentable – à priori- que de fabriquer des faux billets ou des fausses barres d’or. L’exposition nous plonge donc d’emblée dans le monde des faux monnayeurs depuis l’Antiquité. On découvre quelques savoureux focus comme celui sur le fameux Bojarski, surnommé le « Cézanne de la fausse monnaie » qui a produit environ 300 millions d’anciens francs en faux billets sur une période de 12 ans, avant d’être pincé en 1966 et condamné à 20 ans de prison.
Car ce n’est pas l’imitation elle-même qui fait le faux, rappelle l’exposition, mais bien la volonté de tromper. Et le faux touche tous les domaines, depuis des siècles. Les faussaires ont quelquefois un surprenant profil comme le révèle ce faux document prétendument signé par le roi Dagobert en 633 et accordant l’immunité à l’abbaye de Saint-Denis, contestée par l’évêque de Paris dans les années 1060. Faute de documents originaux conservés, qu’à cela ne tienne, les moines n’ont pas hésité à en fabriquer un, sur des papyrus anciens recyclés et en imitant les chartes mérovingiennes ! D’autres faux firent parler d’eux dans le monde de l’art comme un faux reliquaire de saint Yrieix, de fausses figurines de Tanagra ou ce faux crâne en cristal prétendument aztèque.
Certains faux documents ont perdu des hommes comme le « bordereau » au cœur de l’affaire Dreyfus ou en sauvèrent d’autres comme les faux papiers d’identité pour de vrais résistants. Quant au monde de l’information, il est miné par les fake news (fausses nouvelles) et fake truth (fausse vérité) difficiles à endiguer et qui ne datent pas d’hier comme l’illustre l’arbre de Cracovie ; un arbre du Palais-Royal sous lequel se réunissaient les nouvellistes de l’époque pour y échanger des informations -souvent fausses- sur l’actualité, et qui a donné au XVIIIe siècle l’expression « raconter des craques ».
Face aux menaces qui se font de plus en plus sophistiquées, les experts redoublent d’ingéniosité pour traquer les faux. Vaste tâche qui ressemble au tonneau des Danaïdes. Un atelier invite le visiteur à toujours se poser des questions sur ce qu’il voit ou lit pour ne pas risquer de gober benoitement copies, contrefaçons ou faux, tel ce billet de 50 euros qu’on « touche-regarde-incline » selon la méthode TRI expliquée par la Banque de France, pour s’assurer de son authenticité. Pas si simple. On l’a bien vu au fil du parcours, plus d’un collectionneur mal avisé ou d’un expert sur fond de rivalité s’est fait berner, faisant le miel de caricaturistes et chansonniers. Présentées en prolongement de l’exposition, plusieurs installations artistiques prolongent le propos. L’œuvre la plus explicite est G255 (2020) d’Alain Josseau (né en 1968) qui nous plonge dans les coulisses de la fabrique de fausses vidéos sur des immeubles détruits d’une ville en guerre à partir d’une maquette en carton et du vert G255 utilisé pour incruster des images…
Catherine Rigollet









