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François Boisrond. Une rétrospective

De la figuration libre jusqu’aux toutes dernières œuvres encore inconnues du public : 40 années de l’œuvre d’un artiste considéré comme ayant apporté une contribution majeure au regain de la peinture en France depuis les années 1980.

Tôt embarqué avec d’autres « jeunes gens mödernes » (1) Blanchard, Combas ou Di Rosa, dans le sillage de la Figuration libre inventé par Ben, jamais avare de mots, François Boisrond (né en 1959) n’a cessé d’évoluer depuis la fameuse exposition collective « Finir en beauté » de 1981 chez le critique Bernard Lamarche-Vadel. Cette rétrospective sur quarante ans de création ne pouvait guère se tenir qu’à Sète où l’on sait la place qu’y occupent les deux autres anciens comparses, Combas et Di Rosa. Même si la Figuration libre semble loin derrière et ne constitue plus le ciment de leurs relations, les deux Sétois d’origine ou d’adoption étaient bien présents auprès de leur camarade d’antan le soir du vernissage de sa rétrospective au musée Paul-Valéry…

FIGURE LIBRE

L’élégant jeune homme timide, fils des cinéastes Annette Wademant et Michel Boisrond, du tournant des années quatre-vingt a fait place à un ogre gentil à la voix grave et lente, atteint d’« hirsutisme » des cheveux à la barbe… Boisrond explique lui-même les raisons de son évolution et le sens de cette rétrospective sétoise : « J’ai toujours été insatisfait de mon travail, ce qui explique ce besoin perpétuel d’évoluer, d’avancer, d’expérimenter. Il y a beaucoup de périodes, de styles différents, dans mon œuvre. Tout cela s’est fait naturellement, et progressivement. Lorsque je regarde l’ensemble, j’ai l’impression qu’il y a une cohérence. »

L’exposition introduit dans le parcours de Boisrond une périodisation où les époques se chevauchent parce qu’un artiste est rarement engoncé dans un continuum créatif d’une cohérence absolue : Départ en figures libres (1979-1987), Quotidien d’un Parisien (1987-2002), Tout l’univers des arts (1992-2007), Biennales et musées (1999-2014), Passion (2003-2019), Vers les maîtres : Uniformes et vie des saints (2016-2022). Imprégné de culture populaire, des images d’Épinal au cinéma en passant par les planches réalistes et presque naïves de l’encyclopédie « Tout L’univers », Boisrond fait aussi passer dans toute son œuvre sa fascination pour les images et les écrans. Qu’il en fasse le sujet même de ses toiles (série des « Télé » de 1989, Shéhérazade de 1992 ou série des panneaux Decaux des années 2000) ou qu’il utilise ses propres photos, rushes de films ou applications numériques aujourd’hui comme études préparatoires à ses toiles. Ses deux séries les plus récentes, Uniformes et Vie des saints, conçues comme des tableaux vivants, en sont l’ultime illustration.

CHASSEUR D’IMAGES

Metteur en scène, Boisrond est aussi un chasseur d’images dans les rues de Paris comme dans des biennales et musées. D’ailleurs, dans une interview de 2012 (« François Boisrond. Monographie », Actes Sud, p.42), il faisait référence à Hubert Robert, « peintre de reportage » dans L’Incendie de l’Hôtel-Dieu (1772) et L’Incendie de l’Opéra (1781)…Son travail sur le film Passion (1982) de Godard, un film qui met en scène un cinéaste qui reconstitue des tableaux célèbres, dont La Petite baigneuse. Intérieur de harem d’Ingres, est encore une façon de rajouter de l’image aux images. D’une façon d’autant plus vertigineuse que la comédienne qui joue cette « baigneuse », Myriem Roussel, est devenue l’épouse de Boisrond plusieurs années après le tournage ! Deux autres nus, façon « odalisque », rendent aussi hommage à sa femme dans cette exposition, Myriem Saint-Honoré et Mimi Bateau Lavoir. Hommage et admiration à la beauté de sa femme mais aussi à ses maîtres, Watteau, Manet, Fragonard.
En fait, Boisrond est un peintre joyeux, jamais trop sérieux, d’une discrète ironie, un peintre de la joie de vivre, un boulimique de l’image qui arrive à nous faire partager ses passions et nous attirer dans son festival pictural des images de ces quarante-cinq dernières années. En tout cas, ce n’est pas avec lui que l’on parlera de mort de la peinture !

Jean-Michel Masqué

(1) « Des jeunes gens mödernes - 1978/1983 », cette galaxie musicale et artistique post punk, cold/new wave et novö music a fait l’objet d’une exposition en 2008, d’un film en 2011 (Jérôme de Missolz) et d’un documentaire (Jean-François Sanz) en 2015. Une période qui correspond, chronologiquement mais aussi esthétiquement d’une certaine manière, à l’éclosion de ces autres « jeunes gens mödernes », cette « meute de jeunes loups » comme Boisrond qualifie lui-même cette bande hétéroclite, réunis sous le drapeau forcément discutable, eu égard à leurs différences et à leur évolution, de Figuration libre. C’est bien la liberté et la spontanéité qui réunit ces créateurs, spontanéité de la jeunesse et liberté de l’art.

 Catalogue « François Boisrond. Une rétrospective », 304 pages, Éditions Loubatières, 37 €.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 juin au 6 novembre 2022
Musée Paul-Valéry
148, rue François-Desnoyer, Sète (Hérault)
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h (nocturne le jeudi jusqu’à 22h)
Plein tarif : 9,90 €
04 99 04 76 16
www.museepaulvalery-sete.fr


Visuels : François Boisrond. Le Pigeon mort, 1993. Acrylique sur carton, 47 x 30 cm. Collection Mazel Galerie, Bruxelles © Mazel Galerie © ADAGP, Paris 2022.
Déjeuner sur l’herbe, 1995. Acrylique sur toile, 89 x 116 cm. Collection Edouard Minc © ADAGP, Paris 2022.
Pomme Réaumur, 2004-2005. Acrylique sur toile, 130 x 97 cm. Collection Mazel Galerie, Bruxelles © Mazel Galerie © ADAGP, Paris 2022
Le Reniement de saint Pierre, 2016. Acrylique et huile sur toile, 100 x 140 cm
Rennes, Musée des Beaux-Arts - Inv. 2018.1.1. © photo A. Rzepka © ADAGP, Paris 2022.