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François Depeaux. Collectionneur des impressionnistes

Magnat du charbon, l’industriel rouennais François Depeaux (1853-1920) s’est découvert une passion pour la peinture impressionniste. Il va acheter quelque 600 tableaux et dessins, dont 20 Monet - il est le premier à acquérir une toile de sa série des Cathédrales qu’il voit naître sous le pinceau de l’artiste en 1892-1893- et pas moins de 60 Sisley, s’offrant ainsi une spectaculaire galerie de peintures qu’il aménage dans sa maison rouennaise à la fin de l’année 1897. Surtout, il va faire don, dès 1909, d’une cinquantaine de ses toiles impressionnistes au musée de Rouen. Un legs impressionniste important et précoce qui après ceux de Gustave Caillebotte (36 œuvres léguées à l’État français en 1896) et d’Étienne Moreau-Nélaton (une centaine de tableaux en 1906) va conforter la place de ce mouvement en France.

Acheteur compulsif, mais audacieux et avisé, Depeaux sait profiter de la hausse de la cote des impressionnistes pour se séparer de certaines œuvres (comme les Toulouse-Lautrec) et en acheter d’autres comme celles d’artistes tels Albert Lebourg, Joseph Delattre et Robert Pinchon, des peintres dits de « l’école de Rouen » qu’il souhaite promouvoir. Ces jeunes peintres, nés entre 1849 et 1890 à Rouen et dans la région, sont intéressés par le postimpressionnisme, dans la lignée des peintres Claude Monet, Alfred Sisley, Paul Gauguin ou Camille Pissarro qui ont séjourné ou vécu à Rouen et y ont immortalisé des monuments ou quartiers de la ville (la Cathédrale Notre-Dame, le panorama de la Colline Sainte-Catherine ou la Rue de l’Épicerie) et des bords de Seine alentours. Depeaux fait là un nouveau pari... qui lui réussira moins.

Mais qu’importe. Depeaux aime la peinture et la compagnie des artistes. Il les invite régulièrement à séjourner en Normandie. S’il connait bien Monet et Pissarro, c’est Alfred Sisley dont il est le plus proche, sensible à ses paysages, notamment enneigés, lui payant même un séjour au Pays de Galles (Falaise de Penarth, le soir à marée basse, 1897). Ce qui n’empêchera pas Sisley de mourir dans la pauvreté, sans avoir jamais atteint la notoriété de ses amis impressionnistes. « Je vous avoue ne pas comprendre que les tableaux de Sisley soient difficiles à vendre, étant donné que, de l’école impressionniste, c’est à mon sens, certainement celui dont la peinture contient le plus de poésie (...) », écrit Depeaux au marchand Paul Durand-Ruel en 1909, à la veille de faire don au musée des Beaux-arts de Rouen de cinquante toiles de Monet, Sisley, Pissarro, Renoir, Lebourg. Une donation qui aurait pu ne jamais voir le jour.

En 1906, conséquence d’une longue et conflictuelle procédure de divorce, Depeaux doit se résoudre à la vente de 250 tableaux et dessins de sa collection. Face à sa femme qui rachète également des toiles (notamment La danse à Bougival de Renoir qui rejoindra ensuite le musée de Boston), Depeaux, par l’entremise de Durand-Ruel, sauve cinquante-trois œuvres. Mieux, au lieu de faire plonger la cote des impressionnistes par cette liquidation massive de toiles, la vente est un succès et les prix soutenus. De nombreuses œuvres rejoignent de grandes collections publiques et privées du monde entier et Rouen reçoit la donation du « charbonnier » philanthrope, avec toutefois pour obligation de présenter les œuvres en permanence et de ne pas les prêter. On les découvre jusqu’au 15 novembre dans cette exposition qui rend un légitime hommage à François Depeaux, ce grand amateur d’impressionnisme.

Catherine Rigollet

 Le catalogue de l’exposition réunit toutes les œuvres présentes dans l’exposition. Il est complété d’un répertoire illustré de quelque 300 tableaux identifiés avec certitude dans l’immense collection de François Depeaux. 39€

Visuels page expo : Claude Monet, Champ de coquelicots, environ de Giverny, 1885. Huile sur toile © RMM Rouen Normandie / Musée des Beaux-Arts.
Alfred Sisley, Chemin montant au soleil, 1891. Huile sur toile © RMM Rouen Normandie / Musée des Beaux-Arts.
Alfred Sisley, La Falaise de Penarth, le soir, marée basse, 1897. Huile sur toile. National Museum of Wales, Cardiff, Pays de Galles.
Portrait de François Depeaux © Droits réservés.
Visuel vignette : Renoir Auguste, Lise ou La Bohémienne à l’ombrelle (détail). Allemagne, Berlin, Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Jörg P. Anders.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 juillet au 15 novembre 2020
Musée des Beaux-Arts
Esplanade Marcel Duchamp 76000 Rouen
Tous les jours, sauf mardi, de 10h à 18h
Tarif plein : 11€ (billet couplé)
https://mbarouen.fr/fr
Normandie Impressionniste se poursuit en ligne :
www.normandie-impressionniste.fr/fr/visites-virtuelles/


À voir aussi au Musée des Beaux-arts – Rouen, du 11 juillet au 15 novembre :
 « La vie en couleurs : Antonin Personnaz photographe impressionniste »
 « Léon-Jules Lemaître. Par les rues de Rouen ».
 « Claire Tabouret » (née en 1981 – travaille à Los Angeles). Sa première rencontre avec la peinture, elle la vit à l’âge de 4 ans, devant les « Nymphéas » de Monet. On découvre ici une série de lutteurs dans de troublants corps-à-corps et dans une variation de couleurs acidulées brossées à large touches très fluides (parfaitement dans l’esprit du thème « La couleur au jour le jour du Festival Normandie impressionniste).

 Et dans les autres musées à Rouen :
« Camille Moreau-Nélaton » au musée de la Céramique.
« L’herbier secret de Giverny (Monet et Hoschedé en botanistes) » au musée d’histoire naturelle. www.musees-rouen-normandie.fr