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Gaudí (1852-1926). Architecte de génie, créateur extravagant

Qui connait Barcelone ne peut oublier l’incroyable Sagrada Familia, cette cathédrale aux audacieuses grandes flèches en dentelles de pierre qui occupa quarante-trois années de la vie d’architecte d’Antoni Gaudí (1852-1926), et qui continue de s’édifier. Inoubliables aussi La Pedrera et sa façade de pierre, sinueuse comme une houle (qui fit hurler la municipalité de Barcelone), la Casa Batlló ornée d’éléments de formes organiques ou encore le park Güell. Commandé par son mécène et ami, l’industriel du textile Eusebi Güell avec lequel il partage la même passion pour la Catalogne, une foi religieuse profonde et l’amour de la poésie, Gaudí a créé ce jardin féérique. Un lieu peuplé de sauriens en céramiques, d’une forêt de colonnes, de galeries de portiques et de bancs sinueux recouverts de morceaux de céramique cassés (« trencadis ») aux coloris éblouissants, inspirés du courant Moderniste (frère jumeau de l’Art Nouveau) alors en vogue en Espagne et porté par d’autres architectes tels Lluis Domenech i Montaner et Josep Puig i Cadafalch. Gaudí est indissociable de Barcelone qu’il n’a pratiquement jamais quitté, entre le début de ses études à dix-sept ans et son décès en 1926, renversé par un tramway. Et ses constructions se situent presque exclusivement dans la ville.

Cette première grande exposition qui lui est consacrée en France depuis cinquante ans, est le fruit de cinq années de recherches. Déjà présentée au Museu Nacional d’art de Catalunya, à Barcelone, de novembre 2021 à mars 2022, elle met notamment en valeur les collections du musée de Catalogne, riches en œuvres modernistes, et plus particulièrement de celles d’Antoni Gaudí (1852-1926). Plusieurs d’entre elles ont à cette occasion fait l’objet d’une restauration. Associée au modernisme catalan, à l’Art nouveau européen, au courant rationaliste, à l’éclectisme fin de siècle, mais aussi portée par la période de faste économique et industriel de Barcelone qui connaît une expansion urbaine et architecturale hors norme à cette époque, l’œuvre d’Antoni Gaudí ne ressemble à aucune autre. En architecture, Gaudí privilégie la forme pour déterminer la fonction, ouvre grand l’espace, décline le principe de l’arc parabolique comme élément porteur et joue avec les couleurs. Sur le modèle de l’arbre, il construit des colonnes inclinées pour mieux répartir les charges (galeries du Park Güell). S’amuse avec les formes souples, ondulantes, sans ruptures. Au béton armé en vogue, il privilégie les matériaux naturels : bois, pierre, brique qu’il décore de fer, de céramique et de verre.

Un temps ignoré après sa mort, Gaudí est redécouvert par les Surréalistes. Des années 1930 aux années 1960, son compatriote Salvador Dalí (1904-1989) favorise la reconnaissance de Gaudí comme l’un des pionniers de la modernité.
L’exposition chemine dans le processus créatif de l’architecte et au sein de son atelier, nous faisant découvrir toutes ses créations de palais, hôtels urbains, parcs, églises, objets mobiliers civils et liturgiques…à travers dessins, maquettes, nombreuses œuvres de mobilier et ouvrages issus de la bibliothèque de l’architecte, dont certains écrits par le célèbre architecte français Viollet Le Duc (1814-1879), et dont la référence à la sculpture médiévale avec ces animaux intégrés à l’architecture l’a beaucoup influencé. Elle s’ouvre avec une reproduction du vestibule d’entrée de la Casa Milá tout en boiseries, qu’il construit entre 1906 et 1910. Elle se poursuit avec un étonnant assemblage de miroirs, un de chaque côté d’un coin d’une pièce, et parfois au plafond, un dispositif qui permettait à l’architecte d’avoir une vue de part et d’autre d’un objet et d’une personne pour lui permettre de mieux appréhender le corps ou l’objet qu’il souhaitait ensuite faire mouler. Progrès de la technique, c’est la 3D aujourd’hui qui a permis de reproduire son ultime repaire, l’atelier de la Sagrada Familia (hélas détruit par un incendie en 1936) construit à côté de la basilique où il a décidé de s’installer pendant les derniers mois de sa vie afin de se consacrer à sa « grande église ».

Le tournant du siècle est une période plus contrastée de l’Espagne. Tandis que la Renaixença, mouvement politique et culturel, favorise alors la « renaissance » de la langue et des traditions catalanes et encourage l’organisation de l’Exposition universelle de 1888, consacrant Barcelone comme ville moderne, la situation politique internationale, la perte des colonies notamment, touche durement la Catalogne. Des attentats à la bombe marquent la ville de Barcelone, ainsi que les émeutes de la Semaine tragique durant l’été 1909, dont Gaudí sort ébranlé. Il renonce alors à toute commande et se consacre au projet de la Sagrada Família. Le projet d’une vie. Initiée par Francesco de Paula del Villar, totalement revisitée par Gaudi dans une tendance naturaliste-moderniste empreinte des mystères de la foi chrétienne, elle n’en finit pas de se construire aujourd’hui, et devrait -dit-on- être achevée en 2030.

Catherine Rigollet

Visuels : Visuels : Anonyme, portrait d’Antoni Gaudi. Photo de l’atelier de Pau Audouard i Cia (Barcelone), 1878. Musée de Reus.
Anonyme, Cheminées et toit-terrasse de la Casa Milà, 1906-1916. Tirage à partir d’un négatif sur plaque de verre, 13 x 18 cm. Barcelone, Arxiu Fotogràfic Centre Excursionista de Catalunya. Photo © Arxiu Fotogràfic Centre Excursionista de Catalunya.
Antoni Gaudí, Josep Maria Jujol (conception) entreprise Pujols i Baucis (fabricant de céramique), 1903. Éléments de trencadís du Park Güell. Céramique émaillée sur ciment Portland 52 × 54 × 12 cm. Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, dépôt de la Cátedra Gaudí, 2011 Photo © MNAC, Barcelona, 2022.
Antoni Gaudí (1852 – 1926), projet pour l’église de la Colonie Güell, vers 1908-1910. Fusain et rehauts de blanc sur photographie, 59,5 × 46 cm. Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya Photo © MNAC, Barcelona, 2022.
Antoni Gaudí (1852 – 1926), jardinière entre 1883 et 1888. faïence. Barcelone, Casa Vicens Gaudí Photo © Pere Vivas / Triangle.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 12 avril au 17 juillet 2022
Musée d’Orsay
Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 9h30 à 18h
Jeudi de 9h30 à 21h45
Lundi : jour de fermeture
Tarifs : 16€/13€
Jeudi, à 18h c’est 10€ !
www.musee-orsay.fr