Goudal, Noémie - photographe-plasticienne

Noémie Goudal

Noémie Goudal

Observatoire - 2013

Observatoire - 2013

Tower I, 2015

Tower I, 2015

In Serch of the First Line-2015

In Serch of the First Line-2015

Soulèvement IV, 2018

Soulèvement IV, 2018

Inhale-Exhale, 2021

Inhale-Exhale, 2021

Inhale-Exhale, 2021 - installation

Inhale-Exhale, 2021 - installation

Phoenix 7 - 2021

Phoenix 7 - 2021

Below the Deep South-2021

Below the Deep South-2021

Décantation 1, 2021

Décantation 1, 2021

Noémie Goudal devant Phoenix

Noémie Goudal devant Phoenix

Les nouveaux mondes de Noémie Goudal

Noémie Goudal est une bâtisseuse d’images, une architecte de petits mondes utopiques que cette photographe française (née à Paris en 1984) met en scène en intégrant des éléments de différents types (dômes, tours, arbres) au sein de paysages vierges. Elle commence par imprimer ses clichés, puis les contrecolle sur du carton ou du polystyrène, les assemble comme des éléments architecturaux ou des strates dans un décor naturel avant une nouvelle prise de vue numérique de cette superposition d’images in situ, pour mieux créer l’illusion du réel et bousculer l’imaginaire du spectateur. Une création d’espaces autres, fictionnels, des « Hétérotopies » selon le concept forgé par Michel Foucault pour parler d’espaces concrets qui hébergent l’imaginaire. Un peu comme nos cabanes d’enfant.

ARCHITECTURES IMAGINAIRES

Si l’illusion trompe d’abord nos certitudes, l’artiste prend soin de laisser apparents des indices (corde, ruban adhésif, papier) qui dévoilent, en partie, le processus de fabrication de l’image, les dessous du trompe-l’œil. L’artiste aime ce bricolage qui fait d’elle une artisane de l’art et de la nature, et rejette l’idée d’une manipulation par des effets spéciaux et des logiciels de photomontage. Il est important pour elle de montrer qu’il ne s’agit pas de quelque chose de réel. Le « faire » est constitutif de son œuvre. Pour autant, même si l’artiste déconstruit habilement l’illusion, même si le spectateur peut déceler ces indices, la magie opère. Le pouvoir de suggestion de Noémie Goudal sur notre imaginaire est évident.

Dans l’une de ses premières séries, les Observatoires (2013-2014), des images frontales, en noir et blanc, cadrées serrées de petits bunkers sans date, ni lieu et surtout sans décor autre qu’une surface d’eau scintillante, elle nous emmenait déjà dans un univers de structures énigmatiques et en partie mentales. Même ambiance dans ses séries In Serch of the First Line (2015), ou ses Towers (2015) Des utopies qui telles les architectures exaltées du Piranèse ouvrent sur d’infinies lectures, aussi bien poétiques que surréalistes. L’artiste a poursuivi avec des architectures plus géomorphiques, comme ses Soulèvements (2018), d’immenses rochers éclatés comme les pièces d’un kaléidoscope, nous emmenant vers un ailleurs indéterminé, propice à une évasion des sens renforcée par l’absence physique de l’humain. Sa présence n’y étant qu’une trace à interpréter.

Si la photographie « fut d’abord une activité plus qu’une vocation », c’est à la suite d’études en graphique-design où on apprend à composer une image et surtout au Royal College of Art où elle obtient un master en photographie qu’a vraiment débuté sa pratique artistique, recevant dès 2013 le prix HSBC pour la photographie. Elle est exposée désormais aux quatre coins du monde et son exposition « Cinquième Corps » au Bal à Paris en 2016 l’a fait davantage connaître en France où elle est revenue s’installer en 2014, après avoir passé une dizaine d’années à Londres. Poursuivant son intérêt pour la construction de l’image - marquée par le travail de la britannique Anne Hardy (née en 1970) et ses étonnantes constructions spatiales post-apocalyptiques minutieusement élaborées, Noémie Goudal a intégré d’autres médiums dans son travail : la vidéo et le son, mais aussi la porcelaine lors de sa résidence à la Manufacture de Sèvres en 2021. Dans le cadre du projet Terrella est née une série d’une quinzaine de sculptures façonnées d’après d’anciennes théories sur la formation de la Terre, telle celle au XIIe siècle suggérant que les montagnes étaient attirées par les étoiles.

POST ATLANTICA

La curiosité insatiable de Noémie Goudal pour l’histoire de notre planète vieille de 4,5 milliards d’années, son questionnement artistique sur la façon de traiter dans l’image ce temps géologique qui nous dépasse, l’ont amenée à sa nouvelle série Post Atlantica (2021) qui nous renvoie à la dérive des continents et aux mouvements incessants -et souvent extrêmes- qui continuent de façonner le paysage. Montagnes, déserts, forêts, etc. sont autant de motifs génériques, soumis à la force des éléments naturels (l’eau, le feu, la glace…) pour appréhender les changements climatiques de demain. Cette dernière série constituée d’installations vidéo et de jeux d’optiques est envisagée comme une chorégraphie de paysages. Un véritable ballet de décors photographiques disloqués et reconstruits qui met en scène la Terre comme une entité mouvante à l’écosystème fragile.

Nous sommes désormais avertis du processus photographique de Noémie Goudal et de son jeu de construction-déconstruction, mais toujours fascinés et incrédules, nous regardons des lambeaux de paysages s’enfoncer lentement dans un marais verdâtre sur fond sonore de borborygmes et de grincements (Inhale Exhale). Nous assistons à la fonte progressive d’une côte rocheuse blanche comme du sel ou de la glace (Décantation). Nous contemplons la forêt amazonienne qui brûle dans de sinistres craquements et cris d’invisibles oiseaux sauvages (Below the Deep South)...avant de découvrir in-fine le pot aux roses.
Une œuvre à la fois magique et visionnaire.

Catherine Rigollet (interview 23 novembre 2021)