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Gustave Courbet en Normandie

À la fin de l’été 1865, Gustave Courbet (1819-1877) arrive à Trouville-sur-Mer pour y passer deux ou trois semaines. Charmé par le lieu, il y restera trois mois ! Logé au Casino, il se plait à peindre les femmes de la bonne société de l’époque ainsi que des paysages de ce village de pêcheurs normand qui commence à devenir un lieu de villégiature réputé. Il y fait des rencontres, notamment le peintre Louis Moullin qui fait son portrait en train de peindre sur la plage (Dessin à l’encre et lavis sur papier, 1865). Mais comme Eugène Boudin (1824-1898) (https://lagoradesarts.fr/Eugene-Boudin-Roi-des-ciels), dont il va bientôt faire la connaissance, c’est surtout le ciel qui fascine le maître d’Ornans, hypnotisé par cette lumière de la côte normande si particulière, les moutonnements des nuages sans cesse changeants. Il lui consacre même l’essentiel de la toile, comme dans cette Marine, Gros temps (1871), assombrie de cumulonimbus annonciateurs d’orage, tandis qu’un frêle esquif plonge au creux des vagues. Le ciel est aussi le sujet principal de La Mer à Étretat, 1872, laissant percer quelques rares coins de bleu au-dessus d’une plage éclairée par un rayon de soleil horizontal.

Courbet aime la nature et ça se voit. Né au bord de la Loue, la rivière qui traverse Ornans, il aime tout particulièrement l’eau. Il a découvert la mer au Havre lors d’un premier séjour en Normandie en 1841. Une véritable révélation. En 1856, Courbet retrouve la mer à Deauville. À cette époque, quelques plages normandes commencent à être fréquentées, comme Cabourg, Villers-sur-Mer, Houlgate et Trouville qui va devenir encore plus accessible par l’arrivée du train en 1863. Deauville, terre de marais, n’est pas encore la proie des promoteurs. Elle ne deviendra une villégiature luxueuse qu’à partir des années 1870 sous l’impulsion du duc de Morny, et seules les dunes dominent la Manche qui fascine Courbet. Il la peint et il se baigne, aimant passionnément les bains de mer. « J’ai pris quatre-vingts bains de mer. Il y a six jours nous en prenions encore avec le peintre Whistler qui est ici avec moi. C’est un anglais qui est mon élève. »

Il revoit la mer en 1859, au Havre. C’est là qu’il fait la connaissance de Boudin qui tient une boutique d’encadreur-libraire, rue de Paris. Il admire ses ciels. Ensemble ils se rendent à Honfleur. Lors de ses séjours sur la Côte normande, à Trouville, Deauville et Étretat, il peint ce qu’il dénomme des « paysages de mer » : les falaises sapées déjà par les vagues, les ciels moutonneux, l’eau se perdant dans l’horizon. Plus tard, il va découvrir la Méditerranée à Montpellier, les bords de la Charente en Saintonge et les rives du lac Léman au moment de son exil en Suisse. L’eau toujours, comme ligne d’horizon.

L’eau est le fil bleu de l’exposition « De la source à l’océan » qui réunit une cinquantaine d’œuvres, dont vingt-cinq peintes par Courbet, depuis la source de la Loue en Franche-Comté (les œuvres les plus nombreuses du parcours), jusqu’en Normandie (cinq toiles exposées). Des œuvres issues des collections de l’Institut Courbet, des collections des musées normands (Beaux-arts à Caen, musée d’art à Granville, musée Boudin à Honfleur), complétées de gravures réalisées par des artistes qui se sont inspirés de tableaux de Courbet et de nombreux portraits de l’artiste (une salle entière, sans grand intérêt).
On ne manquera pas à l’étage de cette villa typique de l’architecture balnéaire de la société du Second Empire, construite en 1865 par l’architecte Jean-Louis Célinski pour la marquise de Montebello, la collection de peintures, gravures, affiches, vêtements et accessoires de plage évoquant Trouville et sa plage au XIXe siècle. C’est dans une vitrine qu’on découvre le fameux petit portrait de Courbet devant son chevalet sur la plage de Trouville. La collection est complétée de nombreux dessins et peintures d’André Hambourg (1909-1999), fidèle des plages normandes, peignant sous son parasol blanc des marines colorées, pavois claquant au vent dans un air de fête permanente.
Et si vous allez à Trouville, traversez le pont sur la Touques pour vous rendre à Deauville (qui) « me va comme un gant », disait Kees van Dongen. Le peintre y fait l’objet d’une grande exposition cet été dans l’ancien couvent des Franciscaines, entièrement rénové en 2021.

Catherine Rigollet

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 2 juillet au 31 décembre 2022
Musée Villa Montebello
64 rue Général Leclerc - 14360 Trouville-sur-Mer
Du mercredi au dimanche (y compris les jours fériés)
De 10h à 12h et de 14h à 17h30
Tarifs : 7 € et 3,50 € (réduit)
Tél. : 02 31 88 16 26
https://www.trouville.fr/MuseeVillaMontebello/


Visuels : Gustave Courbet, La mer à Étretat. Huile sur toile, 1872. Musée des Beaux-arts, Caen.
Gustave Courbet, Marine, gros temps. Huile sur toile, 1871. Collection Peindre en Normandie, en dépôt aux Franciscaines, Deauville.
Vitrine des Bains de mer à Trouville dans les années 1860. Collection Villa Montebello.
Photos : © L’Agora des Arts, juillet 2022.