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Hans Hartung. La fabrique du geste

Hans Hartung (1904-1989) avait la fureur de peindre et la soif d’être libre. Pour sa complète réouverture après d’importants travaux (rénovation du hall, accessibilité à tous les publics...), le Musée d’Art moderne lui offre une éclatante rétrospective.
Un hommage qui fait suite à l’acquisition d’un ensemble d’œuvres de l’artiste par le Musée d’Art moderne ces dernières années. Et qui correspond au 30è anniversaire de la mort du peintre, le 7 décembre 1989, quelques jours après la chute du mur de Berlin.

C’est l’autoportrait d’Hartung à l’âge de 18 ans qui accueille le visiteur de La fabrique du geste. Son regard fier qui nous toise de haut semble réaffirmer ses paroles : « Je veux rester libre. D’esprit, de pensée, d’action (…) ». Sa vie d’homme, exilé Allemand à Paris en 1935 puis engagé dans la Légion étrangère pour pouvoir lutter contre l’Allemagne hitlérienne (il perdra une jambe au combat), en témoigne. Sa carrière d’artiste aussi, qu’il a débuté très jeune, en quête d’une abstraction gestuelle pure, libérée de toute contrainte symbolique ou esthétique. Durant près de soixante-dix ans, il sera un homme de l’action et du geste, et ne cessera d’innover sur le plan formel et technique, produisant un nombre considérable d’œuvres (15 000).

Au moment où Kandinsky invente l’abstraction, le jeune Hartung en fait sans le savoir. Ses premières productions non figuratives à l’aquarelle datent de 1922...Et bien avant de découvrir l’œuvre de Miro, il utilise le même langage graphique constitué de lignes vigoureuses, de taches et de couleurs, avec un goût prononcé pour le bleu et le jaune qui perdurera. À la veille de la guerre, Hartung est déjà l’auteur d’une œuvre importante. Si la guerre, son engagement et le manque de moyens le contraignent à poser ses pinceaux, il réussit à produire à la gouache des séries de têtes de souffrance, exprimant effroi et fureur.

Ce travail sur papier va se poursuivre dans les années 1950, époque à partir de laquelle il va aussi beaucoup photographier, la nature notamment, en gros plans, galets (qu’il ramasse et qu’il peint aussi), reflets de l’eau, ou épineuses broussailles. Une pratique qui va accompagner l’ensemble de sa recherche artistique. Lui inspirer aussi des œuvres au style calligraphique, dans lesquelles on perçoit une gestualité de plus en plus rapide et nerveuse, annonciatrice de ses futurs grattages. Les éléments semblent se déchaîner dans ses œuvres. Des éclairs jaunes et bleus strient le ciel noir de cette peinture vinylique de 1966 (T1966-H41). Encore sa fascination d’enfant pour les éclairs de l’orage qu’il dessinait dans ses cahiers ? Hartung ne donne pas de nom à ses œuvres. Le titre se compose de l’initiale de la technique, toile, dessin, gravure ou photographie (il n’a créé qu’une seule sculpture, présente dans l’exposition), suivie des quatre chiffres de l’année d’exécution et séparé de son numéro d’ordre d’un tiret horizontal.

À partir des années 1970, la couleur explose dans une esthétique pop et Hartung semble avoir les yeux rivés sur le ciel et peindre des constellations. Installé avec son épouse, l’artiste Anna-Eva Bergman, dans un bel atelier ouvert sur la nature à Antibes, il s’est entouré d’une équipe. Sa productivité est intense. Rien qu’en 1973, 142 peintures, 591 œuvres sur papier et 121 estampes sortent de l’atelier. Dix ans plus tard, cloué dans un fauteuil et affaibli physiquement par la maladie, il réalise encore des toiles monumentales en pulvérisant la peinture à l’aide de sulfateuses agricoles que lui remplissent ses assistants. T1987-H5 est un immense feu d’artifice de jaune, bleu, noir d’un grand lyrisme et d’une puissance rare, témoignant autant de la maîtrise et du contrôle technique d’Hartung que de son énergie farouche de libérer son geste au-delà de ses limites physiques. Si le corps n’y est plus, la fureur de peindre est intacte.

Catherine Rigollet

 Le musée des Beaux-Arts de Caen consacre une belle exposition à Anna-Eva Bergman, jusqu’au 1er mars 2020.

Visuels : Hans Hartung, T1934-2, 1934. Huile sur toile, 120 x 87 cm. collection particulière, Suisse.
T1956-20, 1956, huile sur toile.
T1966-H41, 1966, Peinture acrylique sur toile. 19 x 27 cm. Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
T1971-R24, 1971. Acrylique sur toile.
T1987-H5, 1987, Acrylique sur toile.
Photos L’Agora des Arts, 10 octobre 2019.

 À voir aussi jusqu’au 1er mars : You. Œuvres de la collection Lafayette Anticipations, fonds de dotation famille Moulin.
Pour la première fois, une partie de la Collection Lafayette Anticipations est exposée dans un musée. Avec une quarantaine d’installations (sculpturales, vidéos, performances) acquises par le fonds depuis 2005, l’exposition rend compte de la capacité des artistes à interroger et décrypter notre monde en mutation. Sans détours. Parmi eux, Rachel Maclean et son installation-vidéo sur la sexualisation de l’enfance, entre conte de fées et film d’horreur (Feed Me, 2015). Ou Morag Keil qui interroge la violence à l’encontre des femmes (Virginia Ham, 2011).

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 Octobre 2019 au 1er mars 2020
MAM Paris
11, avenue du Président Wilson - 75116 Paris
Du mardi au dimanche
De 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Tarif plein : 13€
Tél. 01 53 67 40 00
www.mam.paris.fr