À l’occasion du bicentenaire de sa mort, le musée du Louvre, qui conserve le plus important ensemble au monde de peintures et de dessins de Jacques-Louis David (1748-1825), propose une exposition consacrée à l’ensemble de la carrière de ce peintre engagé qui a vécu et mis en images les grandes heures de la Révolution française et de l’Empire. Un parcours qui mêle de manière éclairante l’artistique et le politique dans une scénographie qui magnifie les œuvres.
Marat assassiné dans sa baignoire par Charlotte Corday, le Serment du Jeu de Paume, Bonaparte franchissant les Alpes au Grand St Bernard, le Sacre de Napoléon, ou encore Madame Récamier allongée dans sa chaise longue… Ses tableaux des grandes heures de la Révolution française, de l’Empire napoléonien et de la société de cette époque ont marqué notre mémoire visuelle collective et notre imaginaire...Travaillant toujours simultanément à ses deux domaines de spécialité qu’étaient la peinture d’histoire (David a connu six régimes politiques) et le portrait de ses contemporains, Jacques-Louis David (1748-1825) a participé activement à la Révolution. Une salle entière de cette exposition d’une centaine d’œuvres que lui consacre le Louvre à l’occasion du bicentenaire de sa mort est même consacrée à son engagement aux côtés de Robespierre, dont il paya le prix…
Le parcours chronologique revient sur la formation de David, ses tentatives pour obtenir le Prix de Rome, le premier point culminant des débuts de sa carrière en 1784 avec le Serment des Horaces qui frappa ses contemporains par sa théâtralité, son audace et l’austérité de sa composition. Puis ses œuvres révèlent ses engagements politiques, en citoyen persuadé que l’art participe à transformer le monde. D’abord sous l’Ancien Régime, dans les cercles libéraux favorables à une monarchie constitutionnelle, pour lesquels il peint la mythique Mort de Socrate ; une réflexion sur l’injustice qui a poussé le philosophe a s’empoisonner. En 1791, c’est un autre serment que le peintre souhaite immortaliser, celui du Jeu de Paume qui se déroula le 20 juin 1789, l’un des épisodes de la Révolution française où les représentants du peuple (dont Bailly, Barnave, Mirabeau, Gérard, Sieyès, Robespierre, Guillotin…) se promettent de rester unis. La toile restera inachevée, mais il existe des dessins préparatoires et un fragment de la toile qui devait mesurer 6 mètres par 10 mètres.
David se rapproche ensuite de Robespierre, est élu député de Paris et vote la mort de Louis XVI. Pendant les deux ans de la Terreur (1793-1794), il occupe plusieurs postes éminents. Il peint à cette époque des martyrs de la Révolution, dont Marat dans sa baignoire, semblant dormir dans une pose inspirée de La déposition du Christ de Caravage et le jeune Bara, engagé à l’âge de 13 ans, tué lors d’un affrontement avec les royalistes, son cadavre dépouillé de ses vêtements. Des peintures réalistes, vibrantes et idéalistes.
David échappe de justesse à la guillotine, est emprisonné en 1794 et assigné à résidence en 1795. À partir de 1799, fasciné par Bonaparte qui est devenu son héros, il se met à son service, exécute le très idéalisé portrait du Corse à cheval franchissant les Alpes au Grand-Saint-Bernard (1800) et immortalise même son Sacre. À la même époque, il peint sa grande toile intitulée Les Sabines, œuvre où les femmes jouent le rôle central en arrêtant les guerres fratricides entre Romains et Sabins. Un manifeste du néoclassicisme dont la nudité des protagonistes guerriers choqua ses contemporains. Une grande salle est consacrée à une série de portraits, à la fois épurés et précis, frappants de vérité ; série qui culmine avec celui célèbre de Madame Récamier - laissé inachevé à la suite d’une brouille avec son modèle. Deux autoportraits du peintre nous dévoile un peu sa personnalité, l’un en 1791, cheveux poudrés et redingote, l’autre en 1794, en robe de chambre, palette à la main, regard perçant et déterminé.
Toutefois, avec le retour des Bourbons sur le trône, en tant que régicide, David doit s’exiler à Bruxelles. Le gouvernement cherchera en vain à faire revenir à Paris le « père de l’École française » qui aura formé dans son atelier qui était ouvert aux femmes, trois générations de peintres issus de toute l’Europe et qui domineront la scène artistique jusqu’au milieu du XIXe Siècle, dont Gérard, Girodet, Gros ou Ingres. Au final, une exposition bien construite et superbement scénographiée qui nous plonge dans l’art de David et permet de mieux comprendre son expression artistique et son lien intime avec son engagement politique : sincère sous la Révolution puis opportuniste sous l’Empire. « Peindre, c’est agir » disait-il.
Catherine Rigollet











