Au moins deux bonnes raisons ces jours-ci d’aller se promener dans le quartier de la plaine Monceau, ce haut-lieu de la mondanité Belle Époque. Le musée national Jean-Jacques Henner consacre une exposition-dossier au travail de portraitiste (600 de ses 1500 œuvres recensées sont des portraits) de Jean-Jacques Henner (1829-1905) et un petit accrochage à « la reine de la plaine Monceau », Sarah Bernhardt (1844-1923), pour le centenaire de sa mort. Cette année 2023 est aussi celle du centenaire de l’achat par Marie Henner, nièce du peintre, de cet hôtel particulier-atelier ayant appartenu au peintre-décorateur Guillaume Dubufe (1853-1909) pour le transformer en musée dédié à l’œuvre de son oncle Jean-Jacques.
Autre lien entre la comédienne et le peintre : deux ans avant que Dubufe s’installe dans cet hôtel particulier en 1878, Sarah Bernhardt avait fait construire son propre hôtel particulier mitoyen à l’angle de l’avenue de Villiers et de la rue Fortuny. Pendant dix ans, la comédienne et artiste (Sarah Bernhardt peint et sculpte) a fait de cette adresse la scène de son rayonnement où elle recevait le Tout-Paris des arts, des lettres et de la politique. Par ailleurs, Bernhardt et Henner se fréquentent et s’apprécient. En 1879, critique du Salon pour le périodique anglais The Globe, Sarah vante le tableau Églogue de Jean-Jacques : « M. Henner est de la famille du Corrège ; tout est charme et poésie dans sa peinture… » Comme on voit, les liens sont suffisamment étroits entre Henner et Bernhardt pour que se justifie leur réunion dans cet écrin de la plaine Monceau. Même si l’éminent portraitiste n’a jamais réalisé de portrait de sa célèbre admiratrice !
Sarah a souvent posé pour deux autres peintres parmi ses très proches amis, Louise Abbéma (1853-1927) et Georges Clairin (1843-1919). On découvre d’ailleurs des portraits et des affiches d’Abbéma parmi des photos de Nadar et une sélection d’archives manuscrites accrochés dans « l’autel Bernhardtien » installé dans le salon aux colonnes du musée, quelques marches au-dessus du grand jardin d’hiver. C’est au second étage qu’une salle du musée est consacrée à Henner portraitiste proposant dessins préparatoires et portraits peints, ce qui permet de mieux connaître ses méthodes de travail. Plongeons-nous dans les yeux noirs de Thérèse Bianchi, comtesse Joachim Murat, ou les lunettes noires de M. Montaubin, sous-préfet d’Altkirch ! Par ces deux courtes expositions, et une flânerie dans le reste du musée, le visiteur ne manquera pas de succomber aux charmes évanouis de la Belle Époque dont Sarah Bernhardt fut un monstre sacré.
Jean-Michel Masqué
– Et aussi à Paris. « Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star. »
Le Petit Palais retrace la vie de la célèbre interprète à la voix d’or et dévoile ses talents méconnus de peintre, d’écrivaine et de sculptrice. Du 14 avril au 27 août 2023. https://www.petitpalais.paris.fr/
Visuels : Louise Abbema, Portrait de Sarah Bernhardt dans le rôle d’Adrienne Lecouvreur, vers 1884-1887. Huile sur toile. 16,5 x 21,5 cm. Musée d’Etampes.
JJ Henner, Portrait de Thérèse Bianchi, plus tard comtesse Joachim Murat. Étude, entre 1888 et 1889 ©RMN-GP - Gérard Blot.