Delépine, Jérôme - Peintre

Comme ses maîtres Rembrandt et Turner, Jérôme Delépine joue avec la lumière, maniant le clair-obscur dans des toiles aux glacis veloutés et mystérieux. Des sombres et brumeux paysages, où l’on distingue à peine un arbre, quelques silhouettes, une frêle embarcation chahutée par les vagues, jaillissent des ciels immenses et éblouissants. Ses portraits eux-aussi surgissent du noir, un peu effacés pour marquer le temps qui passe, mais fascinants et angoissants à la fois avec leurs yeux si singuliers, crevant la toile de leur air goguenard, effrayé ou introspectif comme des miroirs de l’âme. Des visages d’une grande humanité dont la manière évoque Rustin.

Une telle fascination pour le mystère de l’ombre et de la lumière interroge toujours. « On se questionne souvent sur ce qui motive notre vocation pour tel ou tel art. Dans tout artiste, il y a une part de fêlure » glisse Jérôme Delépine. Celle de ce jeune peintre de 33 ans, formé à l’art et à la peinture depuis l’âge de 11 ans, c’est la peur de la cécité qui l’assaille depuis l’enfance, à cause d’une maladie congénitale qui a causé la perte d’un œil et laissé 2/10e de vision à l’autre. Résilience aidant, la peinture sera sa lumière, sa liberté, son émerveillement, dans une figuration libre, d’une grande rapidité d’exécution, très instinctive.

« Mes paysages ou mes personnages sortent de mon imagination, de mes rêves. De toute façon, je ne sais pas ce que c’est que de voir la réalité, mon univers est toujours symbolique. L’important est la vision, et non l’acuité ». Quelque soit la technique employée, huile, dessin ou monotype, Jérôme Delépine travaille sur l’impression que lui donne cette malvoyance, cherchant la matière, la profondeur, les contrastes et l’humanité écrasée, presque blessée par la lumière qui la renvoie à sa quête de la connaissance, du questionnement.

Catherine Rigollet (janvier 2011)

Portrait, photographie Lionel Pagès