Une véritable prouesse technique. Un arbre textile, un laurier plus précisément, 13 mètres de haut, qui étale ses frondaisons automnales -dans des camaïeux d’orange et de rouge qui font écho aux manteaux de l’artiste- sous la voûte gothique de la Sainte Chapelle du Château de Vincennes. La fabrication des 110 000 (oui, vous avez bien lu !) feuilles brodées qui décorent l’arbre a été confiée aux collaborateurs de l’atelier (et à d’autres experts en broderie, tricot, crochet) pendant le confinement. Plus de deux années de labeur.
L’artiste portugaise, Joana Vasconcelos (née en 1971), dont c’est le premier arbre, se réjouit qu’on lui ait confié cet espace lumineux, et avoue que pour créer une œuvre, il faut trouver « le moment historique ». Elle l’a trouvé ici dès sa première visite. D’elle, on se rappelle, entre autres, Marilyn, paire d’iconoclastes escarpins monumentaux en casseroles inox exposés dans la Galerie des Glaces de Versailles en 2012, ou le provocateur lustre composé de milliers de tampons hygiéniques (A Noiva - La Fiancée) à la Biennale de Venise en 2005. L’artiste aime composer avec les objets quotidiens, mais dans l’hors-norme, le gigantesque, le transgressif. Du laurier, elle connait la signification mythologique : grâce à l’intervention de son père, la nymphe Daphné se transforme en laurier pour résister aux assiduités d’Apollon. Mais elle cherche encore la signification de cette œuvre pour elle-même : « Quel est l’arbre de la vie ? Quel est MON arbre ? », tout en lui assignant de rendre hommage aux têtes couronnées d’antan- de Charles V à François Ier et à son fils Henry II qui vit enfin la chapelle inaugurée en 1552-, et aux travailleurs d’aujourd’hui qui ont contribué à sa fabrication et à son installation. L’arbre de vie est un hymne à la vie retrouvée.
L’artiste s’offre aux photographes, radieuse, enthousiaste, au pied de son arbre. Des milliers de feuilles sont mouchetées de lumières LED, et les racines tentaculaires rampent sur le sol de pierre. À l’assaut de son tronc, droit, dont émergent quelques branches basses sciées court, grimpe une faune ou une flore indistincte, biomorphe, joyeuse, et colorée. On a envie de le toucher, d’y grimper, d’en dérober quelques feuilles… mais non, l’arbre commande le respect. Et comme l’artiste y invite, à le contempler dans cet écrin architectural, on finit par s’imprégner « de magie, de beauté et de paix ».
À l’heure où le monde entier déplore, plus ou moins hypocritement, les coups portés à la nature, cette œuvre incite à lui renouveler nos soins et attentions. Une seule œuvre, oui, mais qui vaut dix fois le déplacement.
Elisabeth Hopkins
Visuels : Joana Vasconcelos, Arbre de vie et détail © Atelier Joana Vasconcelos.
