Une visite de presse distancielle en vidéo, commentée par Megan Fontanella, la curatrice américaine de l’exposition, nous permet cette recension :
Une belle invitation à traverser, avec Vassily Kandinsky (1886-1944), les trois premières décennies du 20e siècle, au fil de ses séjours en Russie, Allemagne et France, où le peintre russe se confronte à divers mouvements artistiques dont l’influence est déterminante pour son choix de l’abstraction.
Il reste des traces de figuration dans la toile qui ouvre l’exposition. Dans La Montagne bleue, 1908/1909, peinte en Allemagne, chevaux et cavaliers restent identifiables et symbolisent la croisade que mènera Kandinsky pour transformer l’art en un art inspiré et inspirant. Dans les années qui suivent, il fonde le mouvement Blaue Reiter avec Franz Marc et publie « Du Spirituel dans l’Art et dans la Peinture en particulier », où il prône qu’une œuvre est bonne lorsqu’elle est apte à provoquer des vibrations de l’âme.
Cette « nécessité intérieure » va marquer la trajectoire de Kandinsky, impliquant autant l’artiste qui doit manifester sa propre intériorité que le spectateur dans l’âme duquel elle doit résonner. Il commence à cultiver l’abstraction, peignant lignes et couleurs sans véritable signification figurative.
Le premier conflit mondial pointe à l’horizon, et il retourne en Russie (1914) où il assimile les explorations géométriques de l’avant-garde russe sans y trouver la spiritualité dont il est en quête, avant de retourner en 1921 enseigner au Bauhaus à Weimar puis Dessau. Il poursuit ses investigations sur la symbiose entre formes et couleurs et leur signification émotionnelle : l’agressivité du triangle, la spiritualité du cercle, et la sérénité du carré. (C’est à Dessau que Solomon Guggenheim, conseillé par Hilla Rebay, achètera trois toiles, dont Composition 8, 1925). La montée du nazisme le force à s’exiler en France en 1933 où il vivra jusqu’à sa mort.
Durant ses années à Neuilly-sur-Seine, il se passionne pour les sciences naturelles, dont l’embryologie, et sur ses toiles dansent maintenant des formes biomorphiques, plus douces que les strictes formes géométriques. L’influence de Arp et Miró est évidente. À partir des années 40, ses œuvres grand format s’assombrissent (Autour du cercle, 1940), et la pénurie l’oblige à travailler de petites œuvres sur carton tout en s’inspirant d’illustrations de documents de biologie. Il mourra ayant, hélas, pu voir 14 de ses œuvres cataloguées comme « dégénérées » par le nazisme et d’autres reléguées dans les réserves par Staline.
Elisabeth Hopkins
Visuels : Kandinsky, Blue Mountain, 1908–09, huile sur toile, 107.3 × 97.6 cm. Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Solomon R. Guggenheim Founding Collection © Vasily Kandinsky, VEGAP, Bilbao, 2020.
Kandinsky, Black Lines, décembre 1913. Huile sur toile, 130.5 × 131.1 cm. Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Solomon R. Guggenheim Founding Collection © Vasily Kandinsky, VEGAP, Bilbao, 2020.