À une heure de Paris en train, bâtie sur les hauteurs d’Auvers et dominant la vallée de l’Oise, la Maison du docteur Gachet ne serait jamais devenue célèbre sans Vincent Van Gogh, qui la fréquenta régulièrement durant les 70 jours qu’il séjourna dans le village, du 20 mai 1890 à sa mort le 29 juillet. Sa visite offre une nostalgique plongée dans l’atmosphère que connu le peintre.
Dès son achat en 1872, le docteur Paul Ferdinand Gachet (1828-1909) qui est aussi dessinateur, graveur et modeste peintre amateur sous le pseudonyme de Paul van Ryssel (PVR), y installe un atelier et une presse sur laquelle il expérimente l’eau-forte, sa passion et la technique artistique qu’il maîtrise le mieux. L’homme est aussi collectionneur, mécène, ami des artistes et sa maison est devenue un lieu d’échange artistique et de création fréquenté par Pissarro, Guillaumin, Renoir, Goeneutte, Murer ou encore Cézanne qui y peint une deuxième version de sa Moderne Olympia en 1873.
Un lieu d’inspiration artistique
Médecin homéopathe et spécialiste des maladies mentales, Gachet reçoit Vincent Van Gogh en 1890 sur demande du frère du peintre, Théo. Pour tenter de lui faire oublier ses angoisses liées à la syphilis qui l’affecte depuis déjà plusieurs années, il lui conseille de se jeter dans le travail. Ce que va faire Van Gogh en peignant chaque jour avec frénésie, alternant confiance et angoisse. Soixante-quatorze tableaux en 70 jours. Principalement des vues de champs, rarement accompagnées de figures d’ouvriers agricoles, alors qu’ils devaient être nombreux en cette saison. Comme s’il avait reporté sur ses toiles son sentiment de solitude. Il produit aussi de nombreux dessins et son unique eau-forte connue : l’Homme à la pipe qu’il réalise chez Gachet. C’est aussi dans sa maison qu’il peint la pochade Branches d’acacia en fleurs et deux petits tableaux du charmant jardin de fleurs. C’est sans doute aussi dans le jardin de Gachet qu’il fait le Portrait du docteur Gachet, assis à une table, pensif, tête appuyée sur son bras droit et main gauche tenant une fleur de digitale (au musée d’Orsay). Une table en bois que l’on imagine être celle peinte en rouge-orangé (aujourd’hui une copie) trônant au milieu de la petite cour comme une invitation à la convivialité. Elle fait partie de l’âme de la maison, et a souvent réuni de joyeux convives devisant sur l’art et leur rêve de gloire en buvant du vin. Las ! Toutes ces œuvres n’ont pas suffi à guérir Van Gogh de son mal être. Le 27 juillet, après avoir achevé Racines d’arbres (musée Van Gogh, Amsterdam), son chant du cygne, il se tire une balle de revolver en plein champ. Il succombe deux jours plus tard à sa blessure, dans sa chambre de l’auberge Ravoux.
Dans l’intimité de Van Gogh
Propriété du Département du Val d’Oise depuis 1996, la maison a renouvelé sa scénographie en 2025 pour retrouver au rez-de-chaussée l’atmosphère que connu Van Gogh. Notamment dans le sombre salon reconstitué avec de nombreux meubles en bois (bureau, chaises, fauteuils, guéridon, vaisselier, bahut) encombré de vaisselle, gravures, tableaux et objets, dont quelques instruments médicaux. Un véritable bric-à-brac de « vieilleries noires, noires, noires » jugea Van Gogh quand il découvrit le décor de la maison, s’imaginant trouver lumière et couleurs chez cet admirateur des artistes de l’impressionnisme émergeant.
Le parcours, conçu par Wouter van der Veen (spécialiste de Van Gogh et commissaire de l’exposition Les Derniers voyages de Van Gogh présentée au Château d’Auvers jusqu’au 2 novembre 2025), se poursuit à l’étage avec la presse originale du docteur Gachet, des toiles, des dessins et surtout de nombreuses gravures de Paul Gachet et de son fils Paul Louis.
Catherine Rigollet