À son arrivée du Havre pour intégrer l’École nationale des Beaux-Arts, Raoul Dufy (1877-1953) occupa un atelier et habita avec Othon Friesz en 1900-1902 au 12, rue Cortot où se situe aujourd’hui le musée de Montmartre. Cette coïncidence historique n’explique pas seule l’exposition « Le Paris de Dufy » qui ouvre ce printemps dans le musée parisien. En effet, cette thématique de Paris comme motif majeur dans l’œuvre du peintre normand n’avait jamais suscité d’intérêt en elle-même malgré les nombreuses expositions consacrées à Dufy. La diversité du travail de Dufy a été longtemps méconnue, laissée dans l’ombre par sa célèbre et monumentale fresque La Fée Électricité (600 m2) décorant le Pavillon de l’électricité de l’Exposition universelle de 1937 et aujourd’hui exposée au Musée d’art moderne de Paris qui vient de la restaurer.
L’idée d’explorer la vision parisienne de Dufy revient à Didier Schulmann, ancien conservateur du Mnam/CCI au Centre Pompidou, qui partage le commissariat de cette exposition avec Saskia Ooms, responsable de la conservation du musée de Montmartre. Et des œuvres de Dufy évoquant Paris, il y en a un grand nombre sous forme de peintures, dessins, lithographies, gravures, tapisseries, mobilier jusqu’à une gouache sur le livre d’or d’un restaurant ! Près de deux cents œuvres et documents répartis sur dix sections nous font découvrir la diversité de l’activité artistique incessante de Dufy. De l’intimité de l’atelier de l’impasse Guelma (*), au pied de la Butte et que Dufy conserva de 1911 à sa mort, jusqu’à l’ultime panorama de Paris pour illustrer un guide touristique, l’artiste en a fait voir de toutes ses couleurs à la capitale.
Dès 1902, Dufy pose sa palette au-dessus du Bateau-Lavoir pour sa première « vue de Paris » où l’on aperçoit, juste esquissée, une Tour Eiffel alors toute jeune. Même dans les arts décoratifs, que Dufy pratique de bonne heure, le thème parisien est omniprésent comme sur ce mobilier du « Salon de Paris » présenté ici grâce au prêt du Mobilier national et des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, notamment sur le grand paravent (227 cm x 264 cm), nouvelle expression d’un panorama à la Dufy, ce « flâneur en lévitation » comme le qualifie Didier Schulmann. Un autre des moments forts de l’exposition est la présentation de la série complète des dix lithographies, rehaussées de gouache par Dufy, de la fameuse fresque La Fée Électricité.
Non seulement « Le Paris de Dufy » nous donne à voir un Paris spectaculaire, à vol d’oiseau, décalé et coloré mais nous fait découvrir aussi la palette des talents d’un artiste finalement sous-estimé.
Jean-Michel Masqué
(*) L’inventaire de cet atelier, demeuré intact depuis la mort du peintre, est en cours depuis peu réalisé par les membres de la récente association L’Atelier Raoul Dufy. Aucun lieu d’archives et aucune biographie n’ont été encore consacrés à Raoul Dufy.
