Le corps en mouvement

Que vient donc faire une icône crétoise du 17e siècle (Saint Georges terrassant le dragon) dans cette exposition qui célèbre corps et mouvements d’athlètes dans les arts visuels ? Le Petit Palais surfe opportunément sur la vague des Jeux Olympiques et Paralympiques que Paris accueillera cet été pour mettre en valeur ses collections. Les commissaires ont choisi une cinquantaine de peintures, sculptures, dessins et objets d’art sur ce même thème, et les ont répartis dans les salles avec un balisage aux couleurs des anneaux olympiques, donnant ainsi aux visiteurs l’occasion de découvrir aussi bon nombre d’œuvres n’ayant rien à voir avec le sport.

Mais revenons à notre icône ! Aux dires de l’une des commissaires, sur le plan physique, l’effort, le travail du corps, la recherche du mouvement parfait sont l’essence de la pratique des athlètes olympiques et paralympiques. Toute aussi importante, sur le plan mental, leur poursuite du dépassement de soi et de l’exploit qui leur font rejoindre saints et chevaliers dans une même quête. CQFD.
Sans surprise, l’époque de la Grèce antique où se déroulent les Jeux d’Olympie, ouvre l’exposition attestée par des vases antiques à figures rouges représentant divers athlètes s’exerçant au javelot, au disque. Ailleurs, dans la petite salle dédiée au dessin, une même notion d’entrainement réunit artistes et athlètes. Si ceux-ci cherchent à améliorer leurs performances, ceux-là se livrent à des études, des esquisses, des académies pour parfaire leur apprentissage. Un petit burin de Dürer, Apollon et Diane, c. 1504-1505, montre le dieu bandant son arc dans une torsion du corps très athlétique.

Parce qu’elle est art du mouvement par excellence, la danse fascine les sculpteurs : Maurice Charpentier-MIO décline au début du 20e siècle cinq mouvements de danse d’Isadora Duncan en médaillons de bronze, précédé par François-Rupert Carabin qui représente, par un petit bronze (moins de 20 cm), une célèbre demi-mondaine virevoltant dans son ample jupe (La Belle Otero, 1898-1900). Deux œuvres opportunes puisque la danse (dans sa forme hyper-contemporaine de breakdance) fait son entrée cette année dans les Jeux.
Le crawl est la technique aujourd’hui requise pour l’épreuve de nage libre des Jeux. Bon nageur lui-même, Augustin Rouart peint à la tempera un nageur de crawl en plein effort. Un petit tableau réaliste où le nageur fend l’eau légère en créant un sillage bouillonnant aux formes de feuilles d’acanthe (Le nageur, 1943).

À la fin du 19e siècle, deux pratiques s’ouvrent aux femmes : la bicyclette, comme moyen de locomotion, et l’équitation, comme activité de loisir. Léon-François Comerre, peintre symboliste, oublie ses odalisques pour peindre plus prosaïquement sa fille et sa bicyclette au Vésinet en 1903, tandis que Jacques-Émile Blanche, portraitiste des écrivains de son temps, figure une jeune amazone en 1889. Équitation et bicyclette deviendront des sports olympiques en 1900 et 1896, respectivement.

Dans le vaste hall du Petit Palais, est installée une belle sélection de plâtres. Plusieurs de ces œuvres trouvent bien leur place dans ce circuit olympique. Que ce soit La danseuse Sacha Lyo, 1932-33, de Serge Youriévitch saisie dans un grand écart vertical, ou La femme à l’arc, 1905 de Jules Desbois, on est sûr de retrouver ces positions acrobatiques sur les terrains des Jeux cet été.

Quelques vidéos ponctuent cette équipée visuelle : des athlètes et para-athlètes y commentent l’œuvre de leur choix. La régatière Charline Picon a choisi deux vases de Sèvres, avec médaillons en bas-relief figurant quatre sports sur fonds de laurier. Ils furent créés par le céramiste Émile Bracquemond et furent offerts comme prix aux J.O. de Paris en 1924.

Toutes ces œuvres, sélectionnées avec soin pour leur pertinence, acquièrent un parfum de fête et incitent à regarder celles qui les entourent, même si elles sont “hors sujet”. Doit-on imaginer qu’aux prochaines olympiades parisiennes, on verra au Petit Palais des œuvres qui suggèreront trois disciplines nouvellement représentées cette année à Paris : le skate, l’escalade et le surf ?

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 15 mai au 17 novembre 2024
Petit Palais
Avenue Winston-Churchill, 75008 Paris
Entrée libre
Ouvert du mardi au dimanche, 10h à 18h
Fermé le lundi
www.petitpalais.paris.fr


Visuels :

 Crète, Saint Georges terrassant le dragon et scènes de sa vie (détail), 1re moitié du XVIIe siècle. Tempera sur bois, 110×70 cm. Legs Roger Cabal, 1998. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

 Euphronios (potier), décor attribué à Onésimos, Coupe à figures rouges produite à Athènes, vers 490 avant notre ère. Provenance : Corneto (Étrurie). Médaillon : jeune athlète au javelot ; décor extérieur : scènes de palestre. Céramique, 9×29×22,5 cm. Collection Dutuit. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

 François-Rupert Carabin, La Belle Otero, entre 1898 et 1900. Bronze, 17,4×16,7×13,6 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

 Léon-François Comerre, Bicyclette au Vésinet, 1903. Huile sur toile, 199 x 115 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

 Serge Youriévitch, La Danseuse Sacha Lyo, 1932-1933. Plâtre, 253×70×53 cm. Dépôt de la Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles (COARC), Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

 Augustin Rouart, Le Nageur, 1943. Tempera sur toile, 37 x 59 cm. Donation sous réserve d’usufruit de Jean-Marie Rouart, 2020. Petit Palais. © Paris Musées / Petit Palais.