Le groupe de Bloomsbury s’est constitué au début du 20è siècle, à Londres, autour d’intellectuels et d’artistes unis par leurs liens familiaux et affectifs, leurs convictions et aspirations communes, notamment le rejet des valeurs victoriennes. Pivots de ce cercle d’une grande liberté d’esprit, de création et de mœurs, précurseur du mouvement hippie et souvent dépeint comme « un cénacle d’intellectuels oisifs et aisés » : Virginia Woolf, Thoby Stephen, Vanessa Bell, Clive Bell, Duncan Grant, David Garnett, Roger Fry. Si l’œuvre romanesque de Virginia Woolf est internationalement connue, celle des autres membres du groupe, notamment de sa sœur la peintre Vanessa Bell n’a guère traversé la Manche. « Sans le groupe, le talent de toutes ces individualités n’aurait pas émergé » assurent les deux commissaires de l’exposition, Sylvette Botella-Gaudichon et Bruno Gaudichon. Cette exposition passionnante et inédite (la première consacrée au groupe de Bloomsbury en France) restitue en photographies, peintures, sculptures, livres, mobilier, objets décoratifs…tout l’univers bouillonnant de ce groupe qui sans avoir constitué un mouvement dans l’art, fut un générateur de créations aussi bien littéraires qu’artistiques, et souvent collectives comme celles réalisées pour la décoration intérieure de leurs maisons ou celles produites par Omega Workshops, ce mi-coopérative de création, mi-magasin, créé par Roger Fry le théoricien du groupe. Les pratiques communautaires furent une constante dans la vie quotidienne du groupe, des repas pris en commun aux soirées-débats en passant par les séances de pose pour des portraits quasi psychanalytiques dont témoignent les tableaux de Vanessa Bell, Duncan Grant et Roger Fry. De style postimpressionniste, ils révèlent aussi le vif intérêt que le groupe portait aux peintres modernes français tels Cézanne, Van Gogh, Matisse et Picasso et dont plusieurs œuvres sont mises en résonnance dans l’exposition.
Catherine Rigollet