Lee Ufan à Arles. Ouverture vers l’infini

L’artiste sud-coréen Lee Ufan a inauguré, au printemps 2022, un nouveau centre d’art au cœur de la vieille ville d’Arles. Ses œuvres minimalistes y entrent en résonance avec l’esprit des lieux, un hôtel particulier du XVIIe siècle.

“Le propre de l’œuvre d’art est d’ouvrir un instant nous faisant sentir la respiration de l’infini ». Ces quelques mots discrets illuminent l’un des murs blancs de l’hôtel Vernon, hôtel particulier arlésien construit entre les 16e et 18e siècles, que l’artiste coréen Lee Ufan (né en 1936) vient d’aménager pour y exposer des sculptures et des peintures. Sculpteur, peintre, poète et philosophe, Lee Ufan est un théoricien du Mono-ha (qui peut se traduire par l’école des choses), un mouvement japonais minimaliste qui fait dialoguer les matériaux naturels tel que la pierre, le métal avec les matériaux fabriqués, tel le verre. Sur deux sites, l’artiste propose à Arles des œuvres méditatives qui nous renvoient au rapport de l’artiste (et de nous) aux matériaux naturels, fragments de cette nature que nous maltraitons en permanence, ou industriels, ainsi qu’aux rapports entre art et beauté ou geste et création.

Aux Alyscamps, à une vingtaine de minutes à pied de l’hôtel Vernon, Lee Ufan a installé 13 œuvres, sous le nom de Requiem (à voir jusqu’au 29 septembre 2022). Spécialement créées pour cette nécropole romaine, païenne puis chrétienne, elles ponctuent l’allée bordée de sarcophages (les plus beaux furent dérobés par des rois ou des prélats, dont Charles IX et sa mère Catherine de Médicis) qui conduit à une chapelle funéraire puis à l’église Saint Honorat du 12e siècle, ou l’artiste a également installé quelques œuvres, faisant dialoguer une pierre et une lourde plaque de métal, ou déposant sur une toile blanche une seule touche, en plusieurs épaisseurs, d’un large pinceau.

Retour rue Vernon. Le bâtiment a été rénové par le starchitecte japonais Tadeo Ando, à qui Lee Ufan doit déjà son musée éponyme, sur l’ile de Naoshima au Japon. Dans un parcours un peu labyrinthique, sur trois étages, on découvre des sculptures, des installations et des toiles. La première œuvre Ciel sous terre, fruit d’une collaboration avec l’architecte, intrigue. Au cœur d’une volute de béton (une forme qui renvoie à Richard Serra), le regard plonge (le terme est choisi) dans un ciel. L’écran bleu, « nuagé », de la vidéo est sous les pieds du visiteur qui en perd quelques secondes tous ses repères. Et si son regard s’élève le long des parois austères, il ne verra que le plafond. Dans d’autres pièces, une grosse pierre jouxte une plaque de verre, ou une barre de métal. Il faut s’y attarder, se laisser prendre par cet antagonisme pacifique entre produit de la nature et création humaine.

L’étage est réservé aux toiles : les toiles intitulées From Line et From Point des années 1970-80 offrent un rythme, une respiration, un ordonnancement réconfortants, alors que ses autres toiles figent le regard sur la touche de peinture appliquée en plusieurs couches, laissant vierge la plus grande partie de la toile (Correspondance), ou sur des touches de couleurs différentes tendant l’une vers l’autre depuis les bords de la toile, touches plus fluides, moins concentrées, qui laissent un vaste espace blanc où peut se poser le regard (Dialogue).

Des œuvres qui offrent calme et sérénité instantanés puis pure beauté si l’on parvient à s’ouvrir, ne fût-ce que quelques instants, à l’infini auquel nous invite l’artiste.

Elisabeth Hopkins

Visuel : Centre d’art Lee Ufan à Arles, Hôtel Vernon, Tadao Ando architecte - © Photos Courtesy of Lee Ufan and kamel mennour archives, Paris.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Hôtel Vernon
5, rue Vernon
13200 Arles, France
Jusqu’au 29 juin : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
De juillet à septembre : Ouvert du lundi au dimanche de 10h à 19h
Tarif plein : 9€
www.leeufan-arles.org


« Requiem », Nécropole des Alyscamps,
Jusqu’au 29 septembre 2022, de 9h à 19h
Entrée : 4,50 €