Renaissance du Musée de Picardie à Amiens

Construit entre 1855 et 1867 par les architectes Henri Parent et Arthur Diet, comme un palais sur le modèle du nouveau Louvre de Napoléon III, le Musée de Picardie regroupe des collections d’art et d’antiquités, notamment une belle collection de grands tableaux du XIXe siècle. Fermé depuis juillet 2017 pour d’importants travaux de rénovation confiée aux architectes Catherine Frenak et Béatrice Jullien, ce musée (classé M.H en 2012) a rouvert ses portes dimanche 1er mars 2020.
Une belle renaissance menée par l’équipe scientifique du musée, sous la houlette de Laure Dalon, conservateur en chef - directrice des musées d’Amiens depuis 2017.

Passé le nouveau hall d’accueil dans le pavillon Maignan, l’entrée en matière est toujours aussi spectaculaire dans le Grand Salon couvert de toiles monumentales. Parmi elles, Le Radeau de la Méduse par D. Guillemet et E. Ronjat (1859) d’après l’œuvre originale de Théodore Géricault (1819), Le Massacre des Mamelouks (1819,) d’Horace Vernet, ou encore l’immense Lady Godiva de Jules Lefebvre, 1891 (6,20 x 3,90 m), nue sur son cheval blanc. Selon la légende, cette célèbre princesse anglaise du XIe siècle, épouse du Comte de Murcie, seigneur de la cité de Coventry, pria son mari de soulager les habitants de la ville, assommés par de lourdes taxes et impôts. Celui-ci refusa, à moins qu’elle ne traverse la ville nue sur un cheval. Par respect pour leur comtesse dit-on, les habitants se calfeutrèrent chez eux durant le temps de cette traversée. Le tableau de Jules Lefebvre, restauré en 2013, représente Lady Godiva au moment de sa traversée de la ville déserte. Mais l’un des clous de cette réouverture est sans conteste Les Voix du tocsin (1888) du peintre d’histoire Albert Maignan (1845-1908) à qui l’on doit aussi de grands décors à l’Opéra-Comique et au Train Bleu à Paris.

Le retour des Voix du tocsin

Cette immense œuvre symboliste (5,50 x 4,50 m) représente des hommes et des femmes nus, gris comme la cendre, s’agrippant en hurlant à une haute cloche de bronze, dans une dramaturgie de fin du monde renforcée par les flammes d’une ville en feu. Elle trouve son origine dans une visite que Maignan fit dans le clocher de l’église du vieux village de Saint-Prix et qu’il décrit avec force détails dans son journal. Roulée depuis 1918, après avoir été évacuée du musée de Picardie à la suite de la chute d’une torpille, la toile Les voix du Tocsin, unanimement saluée lors de sa présentation au Salon de 1888, figurait parmi les œuvres en attente de restauration après un siècle d’absence des murs du musée, heureux propriétaire du fonds d’atelier du peintre (legs Maignan-Larivière 1908-1927). Transportée à la fondation Taylor, à Paris, à la faveur de l’exposition « Dans l’atelier d’Albert Maignan, peintre et décorateur du Paris fin de siècle (2016) », l’œuvre y a été restaurée à l’endroit même où elle fut peinte environ 130 ans plus tôt ; le peintre ayant légué, par l’intermédiaire de sa veuve, sa résidence-atelier du 1 rue La Bruyère, devenue siège de l’Association des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, architectes et dessinateurs (dite Fondation Taylor du nom du baron qui l’a fondée en 1844). Un autre tableau de Maignan vient de rejoindre les collections du musée de Picardie : L’insulte aux prisonniers, 1875. Une illustration de la répression des Cathares.

Les Puys d’Amiens

Au premier étage, rouvert après dix ans de fermeture suite à des dégâts des eaux, les salles entièrement restaurées jusqu’aux parquets, accueillent des œuvres du XVe siècle jusqu’à nos jours dans un parcours chronologique, mais plutôt éclectique avec des peintures signées Balthus, Boucher, Cognée, Courbet, Dubuffet, El Greco, Fragonard, Géricault, Granet, Lancret, Maignan, Morellet, Oppenheim, Picasso, Rousseau, Vernet, Vivarini, Vouet, Winterhalter. On ne manquera pas, au début du parcours des peintures, les fameux Puys d’Amiens, précieux témoins d’une production aujourd’hui largement disparue. Parmi les activités de la confrérie Notre-Dame du Puy, hébergée pendant près de quatre siècles dans l’église épiscopale, la commande artistique tenait une grande place. Chaque année, un grand tableau dédié à la Vierge était commandé à un peintre en vue d’être accroché dans la cathédrale. Des dizaines de puys (dérive certainement du latin podium qui désignait une estrade) enchâssés dans des cadres de bois sculpté, seule une vingtaine subsiste, dont une dizaine conservée au Musée de Picardie après leur restauration au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) à Versailles. Parmi eux, le Puy de 1520 et sa Vierge au palmier avec à l’arrière-plan la cathédrale d’Amiens dans un décor de fantaisie, le tout surmonté d’un impressionnant cadre de bois sculpté haut de plus de trois mètres.

La Vénus d’Amiens-Renancourt

Parmi les nouvelles acquisitions, on notera une Vénus du Paléolithique supérieure découverte entière, quartier Renancourt à Amiens, en 2019. La mieux conservées de la quinzaine déjà extraite des fouilles archéologiques. Et un remarquable ensemble de fragments d’un retable picard du XVIe siècle : vingt-cinq reliefs en chêne sculpté provenant selon toute vraisemblance d’un même retable et qui étaient jusque-là dispersés entre le musée de Cluny (Musée national du Moyen Âge) à Paris et le Musée national de la Renaissance au château d’Écouen.

Un musée qui mérite votre visite.

Catherine Rigollet

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Musée de Picardie
2, rue Puvis de Chavannes – 80 000 Amiens
Du mardi au vendredi : 9h30-18h
Samedi et dimanche : 11h-18h
Tarif plein : 7€
Gratuit le premier dimanche du mois
www.museedepicardie.fr


Visuels page expo : Albert Maignan, Les Voix du Tocsin, 1888, © F.Arnaud /Fondation Taylor.
Jules-Joseph Lefebvre, Lady Godiva, 1891 © Claude Gheerbrant / Musée de Picardie.
Visuel vignette : Jules-Joseph Lefebvre, La Rieuse, 1861 (détail) © Irwin Leullier / Musée de Picardie.