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Louis Boulanger : l’oublié du romantisme

Au début des années 1820, Louis Boulanger, Victor Hugo, Achille et Eugène Devéria et quelques autres artistes de cette génération qui n’a pas vingt ans se retrouvent dans la maison des Devéria, rue Notre-Dame-des-Champs devenue le quartier général de ceux qui veulent créer une esthétique moderne. En reprenant l’épisode du Supplice de Mazeppa dans une vaste composition de plus de cinq mètres de haut, Louis Boulanger remporte un franc succès au Salon de 1827. Dans ce tableau à l’univers sombre et dramatique qui bouscule les règles académiques, le jeune peintre explore le drame de ce beau héros semi légendaire ukrainien, page à la cour du roi de Pologne dans la seconde moitié du XVIIe siècle, attaché nu à un cheval pour avoir séduit la femme d’un comte palatin et qui a inspiré à Lord Byron un roman publié en 1818. Devenu l’un des points de mire de cette génération de romantiques, le jeune Boulanger poursuit dans cette veine, en explore tout le spectre depuis les visions frénétiques et violentes (Scène de la Saint-Barthélemy, 1829) jusqu’aux sujets plus légers. Il privilégie les sujets littéraires, puisant chez Pétrarque pour créer Le Triomphe de Pétrarque, chez Cervantes pour son Don Quichotte et Sancho Pança, à plusieurs reprises chez William Shakespeare (La folie du Roi Lear, 1836 ; Ophélie, vers 1850) et chez son ami Hugo, donnant corps aux textes du poète en les transposant dans ses œuvres. Après Les Orientales, il s’intéresse à l’univers romanesque et truculent d’Hugo fasciné par le moyen-âge, puisant dans son Notre Dame de Paris publié en 1831 nombre d’illustrations (Claude Frollo et La Esmeralda, vers 1831). Alexandre Dumas va lui aussi le solliciter pour illustrer ses Crimes célèbres ; un recueil de récits consacrés à des criminels ou des victimes célèbres.

Boulanger aborde toutes les techniques, donnant ses lettres de noblesse à la toute neuve lithographie et une puissance monumentale à l’aquarelle dont la mode vient d’Angleterre. Il est aussi le premier à dessiner des costumes de théâtre (habillant notamment les drames de Hugo et Dumas) et contribue ainsi à créer l’identité visuelle du drame romantique. Mais Boulanger, à la différence d’Hugo, n’est pas un communiquant, « c’est un grand modeste, qu’il ne se met pas en avant », souligne Olivia Voisin, commissaire de l’exposition. Laissant trop souvent de côté les considérations commerciales, Boulanger n’a pas travaillé sa postérité. Sans doute la célébrité et le tempérament d’Hugo lui a fait de l’ombre, le reléguant au titre d’illustrateur. En 1860, tandis que le grand public ne retient que les noms Delacroix et Ingres au panthéon du romantisme absolu, Boulanger l’oublié, tout en continuant à envoyer des œuvres aux Salons, succède à Alexis Pérignon comme directeur de l’École Impériale des Beaux-Arts de Dijon et, le 7 juillet, comme directeur du musée de Dijon, établissement qu’il administrera, comme conservateur, à partir du 21 novembre 1862 jusqu’à sa mort, sans avoir pensé y promouvoir ses propres œuvres.

Cette rétrospective consacrée à celui que Victor Hugo appelait « mon peintre », trouve tout naturellement sa place dans la maison même d’Hugo à Paris. Regroupant 180 œuvres empruntées à plus de 30 institutions : musées, collections privées, galeries…elle s’attache à réhabiliter ce grand rêveur et faire connaître la diversité de son œuvre.

Catherine Rigollet

Visuels : Louis Boulanger, Claude Frollo et la Esmeralda, détail / Illustration de « Notre-Dame de Paris », vers 1831, © Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey Paris Musées.
Louis Boulanger, Paysage, vers 1846. Aquarelle sur papier brun. Paris, Maison de Victor Hugo.
Louis Boulanger, Don Quichotte et Sancho Pança, vers 1857-59. Huile sur toile. Paris, collection Paoli. Courtesy La Nouvelle Athènes.
Photos : L’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 10 novembre au 5 mars 2023
Maison de Victor Hugo
6, Place des Vosges, 75004
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé lundis et 1er janvier, 1er mai et
25 décembre
Tarifs : 9€/7€
Tél. 01 42 72 10 16
www.maisonvictorhugo.paris.fr